SS-21 ou OTR Totchka |
Les forces ukrainiennes prises dans la nasse de l'est réagissent d'une manière peu conventionnelle.
Le danger pour elles ne vient pas du sud ou de l'est, à savoir de Donetsk et Lougansk, puisque non seulement elles y font face mais qu'en plus elles ont eu des années pour y consolider leurs positions, peut-être pas dans un esprit vraiment défensif puisqu'elles savaient ces régions incapables de lancer une offensive de niveau opératif, mais au moins dans un esprit de points d'appui à partir desquels lancer l'offensive future. L'ennemi est arrivé du nord et du sud-ouest, les prenant donc à revers. Cependant ces forces n'ont pas lancé de contre-attaque sérieuse vers les éléments russes en approche, ni tenté de les prendre de vitesse en fuyant vers l'ouest avant la fermeture de la nasse. Tout en se retranchant, elles n'ont jamais cessé de bombarder les villes de Donetsk et Lougansk ainsi que les villages. Or elles disposent de divers types d'armes d'artillerie d'une portée de quelques dizaines à plus d'une centaine de kilomètres, du mortier au missile balistique en passant par le lance-roquettes multiple de saturation ("orgue de Staline"), capables donc, compte tenu de leur sérieux approvisionnement en munitions, de toucher les premières unités russes voire d'appliquer certains feux de barrage sur les nœuds de communication. Mais on n'a pas vraiment vu de telle tentative.
Par contre trois jours, une semaine, deux semaines, puis maintenant trois semaines après le début de l'opération russe de protection des populations du sud-est, ce groupe de forces ukrainiennes continue inlassablement de bombarder les populations civiles avec toutes les munitions qui lui restent, et qui lui seraient utiles au moment de l'inévitable confrontation avec le corps expéditionnaire russe. Ce choix pourrait dont paraître à première vue totalement irrationnel. Car quel que soit le niveau d'accès de la troupe à l'information extérieure, le commandement de ce groupe de forces se sait évidemment condamné à la défaite. Il n'a vraisemblablement plus, depuis le début, de communications avec l'état-major central à Kiev, mais il voit l'étau russe se rapprocher puis se refermer à une échelle de quelques dizaines de kilomètres. Son obstination à bombarder la population civile adverse n'est pas issue de considérations tactiques, puisqu'il ne choisit pas de retourner ses armes contre les deux groupements russes au nord et au sud-ouest. Cette obstination n'est pas non plus issue de considérations politico-judiciaires, puisqu'il sait qu'il n'aura plus jamais à répondre devant une cour martiale ukrainienne. Et une telle obstination est franchement contraire aux considérations humaines, qui devraient conduire le commandement de ce groupe de forces encerclé et condamné à la défaite à déposer les armes pour épargner des vies, à commencer par celles des soldats qui lui ont été confiés.
Pourtant le commandement opératif ukrainien dans l'est semble déterminé à commettre jusqu'au bout des crimes de guerre, comme le tir (emblématique en dépit de milliers de tirs d'artillerie par jour) le 14 mars d'encore un missile balistique OTR-21 dit SS-21, équivalent du Pluton français mais qui peut emporter une ogive chimique, ou conventionnelle à sous-munitions comme on le présentait dès 2014 (https://stratediplo.blogspot.com/2014/08/ss-21_65.html), les ogives nucléaires ayant été détruites en Russie après la dislocation de l'URSS. Ce missile a été tiré sur le centre ville de Donetsk alors qu'il ne s'y trouve aucune cible militaire et que l'erreur circulaire probable (une centaine de mètres) dudit missile à guidage initial par GPS et terminal optique (caméra) ou par radar confirme qu'il était bien destiné au centre ville. Au demeurant, sa portée de 120 kilomètres lui aurait permis de toucher les forces russes dans la direction opposée. Ce missile, que la défense de Donetsk affirme avoir abattu, aurait causé bien plus d'une vingtaine de morts en cas de fonctionnement de toutes ses sous-munitions à fragmentation, létales dans un diamètre de 400 mètres. Certes, l'Ukraine n'a pas adhéré (la Russie non plus d'ailleurs) à la prohibition de ces armes dont la dispersion des sous-munitions actives s'apparente au semis aléatoire d'un champ de mines antipersonnel sans plan de pose. Et comme pour enfoncer le clou, deux jours plus tard un autre SS-21 fut tiré sur Madeevka, sans faire semble-t-il de victimes, mais l'intention de massacrer la population civile est toujours là après trois semaines d'intervention russe. Ce symbole de la politique du régime Maïdan envers les populations légalistes ne saurait cependant faire oublier les milliers d'obus de divers types qui leur sont assénés chaque jour depuis le 18 février.
L'obstination à attirer une riposte impitoyable rappelle que déjà en 2014 certaines unités présentes près de Lougansk se comportaient de façon suicidaire, comme si elles avaient reçu l'ordre exprès de tout faire pour que ses membres ne soient surtout pas capturés vivants. Et en effet près de huit ans plus tard on ignore toujours l'identité de plusieurs dizaines de combattants dont la pigmentation cutanée et les cheveux crépus étaient relativement exotiques en Europe de l'Est. Par contre à la même époque on a identifié près d'Ilovaïsk les corps de plusieurs officiers extra-européens, comme par exemple le général Randy Allen Kee tué au combat interukrainien le 5 août 2014 et le capitaine Mark Gregory Paslawsky décédé de tourisme martial le 19. La provocation de l'armée russe, et surtout de l'armée de Donetsk, par le massacre délibéré de civils innocents, pourrait ainsi avoir pour but d'entraîner une riposte sans merci sur l'unité coupable de ce crime de guerre.
D'ailleurs l'armée russe, qui attendait patiemment jusque-là la reddition des unités encerclées, semble avoir conséquemment accru ses tirs d'artillerie, au grand soulagement de la population de Donetsk mais au risque d'écraser quelques piécettes à conviction contre une puissance qui, de toute façon, contrôle les propos et les silences de la presse mondiale.
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