jeudi 28 mai 2015

[Liberté d'expression] Ukraine : L'histoire de Rouslan Kotsaba, journaliste emprisonné par Kiev


Rouslan Kotsaba arrété par la police politique de Kiev le 7/02/2015
Rouslan Kotsaba, reporter de guerre, risque 15 ans de prison pour avoir invité les ukrainiens à refuser la mobilisation


Vidéo traduite en français par Thalie Thalie

Rouslan Kotsaba est un journaliste ukrainien de la chaîne publique de télévision KANAL 112. Il est originaire de l'Ukraine de l'ouest. Suite à l'annonce par le gouvernement de la énième vague de mobilisation, il s'insurge et lance un appel aux ukrainiens en janvier 2015 afin qu'ils refusent cette guerre fratricide :


Vidéo de l'appel aux ukrainiens de Ruslan Kotsaba

Le 8 février, Rouslan Kotsaba est accusé de haute trahison, arrêté et mis en détention par les services secrets ukrainiens. Selon son épouse, Ouliana, il a été arrêté la veille après une perquisition menée par le SBU à son domicile.

 Le 8 février, le tribunal a décidé de le maintenir en détention pour un maximum de 60 jours par "mesure de précaution" jusqu'à la fin de l'enquête. Sa demande de "liberté surveillée" a été rejetée. Formellement inculpé le 31 mars de « haute trahison », il encourt jusqu'à 15 ans de réclusion. Il est également poursuivi pour « entrave aux activités légitimes des forces armées », un chef d'inculpation qui peut lui valoir jusqu'à huit ans de prison . Amnesty International a réclamé sa libération immédiate et inconditionnelle, et considère le traitement dont il fait l'objet comme une restriction éhontée à la liberté d'expression.

Amnesty International : http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/L...

Enfer et société sans cash par Bill Bonner

Une vision de l’enfer trouble notre sommeil ; la vision de ce que seront les Etats-Unis en particulier — et le monde occidental en général — lorsque les autorités auront effacé cinq millénaires de progrès et auront posé leur botte sur notre nuque.
Voici ce que disait Peter Bofinger dans Der Spiegel : "considérant les possibilités techniques actuelles, les billets et les pièces sont en fait un anachronisme". Ils ont rendu les paiements incroyablement difficiles, les gens perdant beaucoup de temps à la caisse tandis qu’ils attendent que la personne devant eux fouille dans ses affaires pour trouver son argent et que le caissier leur rende la monnaie (au lieu, par exemple, d’attendre que la personne trouve la bonne carte de crédit, tape son code et attende l’approbation de la transaction).
Mais le gain de temps n’est pas le principal avantage de l’élimination du cash. Cela permettrait aussi d’assécher les marchés noirs et le trafic de drogue. En euros, quasiment un tiers des espèces sont des billets de 500 euros. Personne n’en a besoin pour faire ses courses ; des personnalités douteuses les utilisent pour leurs propres activités.

"Il serait plus facile, pour les banques centrales, d’imposer leurs politiques monétaires. Actuellement, elles ne peuvent faire passer les taux d’intérêt radicalement sous le zéro parce que les épargnants accumuleraient des espèces. S’il n’y a pas d’espèces, la limite est éliminée".
▪ Bienvenue dans la préhistoire
Oui, cher lecteur, voilà ce qui se profile à l’horizon… Un terrible recul, au-delà des âges les plus sombres, pour revenir dans la boue et la vase de la préhistoire. A l’époque, la "monnaie" moderne n’avait pas été inventée. On ne pouvait échanger qu’avec des gens qu’on connaissait… et sur une échelle très limitée. Le capitalisme était impossible. Le progrès était inatteignable. La richesse ne pouvait être accumulée.
Ensuite sont arrivées les pièces d’or et d’argent — du vrai cash
Ensuite sont arrivées les pièces d’or et d’argent — du vrai cash. On n’avait pas besoin de connaître la personne avec qui l’on échangeait. On ne connaissait pas sa famille. Ou ses motivations. Ou ses finances personnelles. Et on n’avait pas besoin de noter qui devait quoi à qui. On pouvait simplement payer — en liquide.
Cela a rendu le commerce et l’industrie modernes possibles.
Cette nouvelle richesse a également fourni aux gens une nouvelle sorte de liberté. Ils pouvaient voyager — et payer leur nourriture et leur logement avec cette monnaie. Ils pouvaient investir… et utiliser cette richesse privée pour créer encore plus de richesse. Ils pouvaient même lever leurs propres armées… construire leurs propres fortifications… et défier les élites au pouvoir.
A présent, les gouvernements du monde entier tentent d’abolir le cash. Des économistes de renom veulent qu’il soit aboli. Il y a déjà des limites à l’utilisation du cash dans de nombreux pays.
▪ Pourquoi les autorités veulent-elles éliminer les espèces ?
N’est-ce pas évident ? Elles veulent vous contrôler, vous et votre argent. Où l’avez-vous obtenu, veulent-elles savoir. Qu’allez-vous en faire ? Elles veulent avoir leur mot à dire sur la question. N’allez-vous pas l’utiliser pour faire quelque chose de "mal" ? Bon sang, vous pourriez soutenir "le terrorisme"… faire de l’évasion fiscale… voire acheter un paquet de cigarettes.
Les possibilités sont trop nombreuses pour être ignorées. Et les arguments sont trop persuasifs pour arrêter. Le site Zero Hedge résume les "pour" :
- Améliorer la base fiscale, puisque la plupart/toutes les transactions dans l’économie pourraient être suivies par le gouvernement ;
– Entraver l’économie parallèle, surtout dans les activités illicites ;
– Forcer les gens à convertir leur épargne en consommation et/ou investissement, fournissant ainsi une stimulation au PIB et à l’emploi.
Pour la première fois en 5 000 ans, les dirigeants auront un moyen de contrôler le peuple en lui coupant les vivres
Ces arguments sont creux, mais ils seront probablement convaincants. Et pour la première fois en 5 000 ans, les dirigeants auront un moyen de contrôler le peuple en lui coupant les vivres. La monnaie électronique, gérée par un système bancaire contrôlé par le gouvernement, permet aux autorités de nous mettre là où elles nous veulent : avec des barreaux à nos cages et des fouets au-dessus de nos têtes. Toutes les transactions pourraient être soumises à approbation. Et chacun d’entre nous saurait qu’il pourrait sentir le fouet des autorités à tout moment.
▪ Un redoutable outil de pouvoir
En Argentine, entre 1974 et 1983, approximativement 13 000 personnes ont "disparu". C’est-à-dire qu’elles ont été rassemblées par les escadrons de la mort, tuées, jetées depuis des avions ou noyées dans les rivières.
Combien plus facile — et aussi plus humain — sera-t-il de simplement couper l’accès à l’argent ? Avec les systèmes de reconnaissance faciale, les autorités pourraient identifier n’importe qui dans n’importe quel environnement — dans un café, dans une manifestation ou devant un distributeur de billets. Ensuite, en quelques clics de souris, les comptes pourraient être gelés… ou confisqués. Le pauvre citoyen "disparaîtrait" en quelques secondes, incapable désormais de participer à la vie publique… forcé de fouiller les poubelles pour survivre.
Et qui oserait l’aider ? Qui oserait le soutenir ? Qui oserait s’exprimer contre ce nouveau système diabolique ? Eux aussi seraient marqués comme indésirables… et disparaîtraient. Imaginez le candidat politique qui découvrirait soudain que ses soutiens n’ont pas d’argent… Ou un lanceur d’alerte qui n’a plus rien à lancer.
Sommes-nous en train d’halluciner ? Nous inquiétons-nous pour rien ?
Sommes-nous en train d’halluciner ? Nous inquiétons-nous pour rien ?
En Argentine, les dirigeants militaires ont commencé par cibler les révolutionnaires gauchistes — qui posaient peut-être une vraie menace pour la république. Ensuite, les cibles sont devenues plus variées — des étudiants, des adversaires politiques, des intellectuels, des syndicalistes et quiconque dont ils voulaient se débarrasser.
Cette période a pris fin quand les généraux ont fort inconsidérément envahi les îles Malouines et proclamé leur souveraineté. Les gens simples se laissent facilement entraîner dans une guerre — aussi crétin qu’en soit le prétexte. Comme l’avaient espéré les dirigeants, les Argentins se sont ralliés derrière leurs soldats.
Mais les Anglais ne jouèrent pas le rôle attendu par les généraux. Au lieu de négocier un accord, ils envoyèrent leur flotte. En quelques semaines, les Anglais avaient coulé le Belgrano et pilonnaient les troupes argentines mal préparées, frissonnant dans l’Atlantique sud.
Ce fut une trop grande humiliation pour les gauchos. L’Union Jack flotta à nouveau sur les Falkland, les généraux furent renversés et les disparitions cessèrent.
Sommes-nous plus intelligents que les Argentins ? Nos politiciens sont-ils plus honnêtes ou plus fidèles à l’esprit des lois ? Le pouvoir corrompt-il moins dans l’hémisphère nord qu’au sud de l’équateur ?
Nous en doutons fortement.

Source : La Chronique Agora

lundi 25 mai 2015

Pourquoi l'un des principaux experts de politique étrangère russe redoute une guerre majeure avec l'Europe (Partie 3)


Un système de lancement de missile balistique russe intercontinental monté sur chemin de fer dans une photo de 2002 (Sovfoto / UIG via Getty)
Voici la troisième partie de l'entretien avec Fedor Loukianov réalisé par le journaliste américain Max Fisher, rédacteur en chef du site Vox, et Amanda Taub, et publié le 5 mai 2015. (Voir la 1ere partie et la 2eme partie)

Fedor Loukianov est le rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs et président du Conseil de politique étrangère et de défense russe. Loukianov est l'un des experts de politique étrangère les plus influents et les mieux informés de Russie. Il est largement considéré comme reflétant la position de politique étrangère officielle de l'establishment russe.

Menaces nucléaires et dissuasion

Max Fisher: Poutine en a dit davantage sur les armes nucléaires russes récemment. Il y a eu une position en particulier qu'il a prise en Septembre, lors d'une conférence de la jeunesse à Seliger, qui a généré beaucoup de discussions à Washington.

Il a dit, "Je vous rappelle que la Russie est l'une des plus grandes puissances nucléaires du monde. Ce ne sont pas que des mots -.. Telle est la réalité. Qui plus est, nous renforçons notre capacité de dissuasion nucléaire et le développement de nos forces armées."

Beaucoup de gens ont essayé de comprendre pourquoi il disait quelque chose d'aussi provoquant et ce qu'il essayait de démontrer.

Fedor Loukianov: Voilà qui est intéressant. Pour moi et pour beaucoup de gens ici, il n'y a absolument aucun mystère sur ce qu'il essayait de démontrer.

La Russie se sent très vulnérable, mais peut-être un peu moins depuis l'amélioration des forces conventionnelles [après la guerre de 2008 avec la Géorgie]. Il y a une croyance très répandue que la seule garantie pour la sécurité de la Russie, si ce n'est sa souveraineté et son existence, est la force de dissuasion nucléaire.

Après les guerres yougoslaves, la guerre en Irak, l'intervention en Libye, il n'y a plus de débat, c'est la sagesse conventionnelle: "Si la Russie n'était pas une superpuissance nucléaire, un changement de régime du style irakien ou libyen serait inévitable ici. Les Américains sont tellement mécontents du régime russe qu'ils le feraient de toute façon. Dieu soit loué, nous avons un arsenal nucléaire, et cela nous rend intouchable. "

Voilà pourquoi, d'un point de vue très populaire, [les Américains] veulent nous nuire de différentes manières en injectant des révolutions et changement de régime par le biais d'une Maidan-isation et ainsi de suite.

Max Fisher: Certaines personnes ont lu les récentes déclarations de Poutine sur la dissuasion nucléaire comme un moyen pour la Russie de signaler qu'elle pourrait utiliser ses armes nucléaires dans le cas d'une attaque militaire conventionnelle sur la Russie, y compris la Crimée.

Fedor Loukianov: Oui, je crois que c'est dans la doctrine de sécurité de la Russie, l'utilisation préventive des armes nucléaires dans le cas d'une agression conventionnelle [contre la Russie].

Max Fisher: Étant donné ce dont nous avons parlé plus tôt, avec le risque d'un conflit conventionnel indésirable entre la Russie et l'OTAN, il semble que cette doctrine nucléaire pourrait être très dangereuse.

Fedor Loukianov: Oui, cela pourrait être très dangereux, à nouveau en raison du sentiment de faiblesse. La Russie regarde la supériorité militaire des États-Unis, et elle se sent en danger.

Voilà pourquoi vous entendez toutes ces déclarations comme ce présentateur de télévision russe qui affirmait l'année dernière que la Russie pouvait réduire les États-Unis en poussière radioactive. Cela a été perçu, bien sûr, comme quelque chose de tout à fait inacceptable, et cela l'était. Mais cela a été traité ici comme rien de nouveau.

La guerre est-elle imaginable?


Le président Obama parle à des soldats américains et estoniens dans la capitale estonienne Tallinn, où il a promis que les Etats-Unis prendraient la défense de l'Estonie en cas d'agression par son voisin, la Russie (SAUL LOEB / AFP / Getty)

Max Fisher: Nous avons parlé précédemment des scénarios qui pourraient conduire à un conflit armé en Europe entre la Russie et l'OTAN. Personne ne pense qu'il est probable, personne ne le veut, mais cela pourrait arriver. Y a t-il une peur de ce risque dans la direction russe, dans l'establishment russe ? Est-ce quelque chose dont les décideurs à Moscou ont peur ?

Fedor Loukianov: Il y a une crainte. Une question qui était absolument impossible il y a quelques années, pourrait-il y avoir une guerre, une véritable guerre, est de retour. Les gens se posent la question. C'est terrible, mais cela montre combien l'atmosphère a changé. Il y a cinq ans, personne ne pouvait même penser à ce sujet.

Max Fisher: Ces gens dans le gouvernement qui parlent de la possibilité d'une guerre, comment en imaginent-ils le début ?

Fedor Loukianov: Les gens ne pensent pas en soit à un cheminement précis, mais, par exemple, l'aide militaire massive à l'Ukraine des États-Unis - cela pourrait commencer comme une guerre par procuration, puis [il se tait]. Ce n'est pas un scénario qui est explicitement abordé. Mais l'atmosphère est un sentiment que la guerre n'est plus quelque chose qui est impossible.

Max Fisher: Ne vous inquiétez-vous pas que cela ait désensibilisé les gens à certaines politiques ou actes, tels que les vols militaires russes dans les pays baltes ou autre, qui pourrait être déstabilisants? Que l'acceptation de la guerre comme une possibilité ait affaibli les tabous contre elle, plutôt que de faire peur aux gens ?

Fedor Loukianov: Selon les sondages d'opinion, une grande majorité de russes sont contre une intervention russe en Ukraine, par exemple. Bien sûr, cela pourrait être changé par des moyens de propagande, mais en général, je ne pense pas que la population russe soit dans l'état d'esprit de lancer une guerre.

Mais le peuple russe commencent à penser qu'elle n'est plus impossible. La plupart des Russes ne veulent pas d'autres territoires en plus de la Crimée, les sondages le montrent. La perception est plutôt que quelqu'un pourrait essayer de déstabiliser la Russie en tant que pays qui s'oppose aux Etats-Unis, et qu'ensuite nous devrions nous défendre par des moyens militaires.
(partie 1)
(Partie 2)
Source : VOX (Trad : Bertrand)

samedi 23 mai 2015

Alexeï Mozgovoi assassiné sur la route Lougansk-Alchevsk



Conférence de presse des autorités de la RPL sur l'assassinat de Mozgovoi. Sous-titres anglais par Kazz.

MàJ (24.05) :

Reportage sur la scène du crime (version censurée/floutée)

Un chef des séparatistes prorusses qui contrôlent une partie de l'Est de l'Ukraine est mort ce soir avec plusieurs autres combattants dans une attaque contre sa voiture, ont annoncé les autorités rebelles. Alexeï Mozgovoï, commandant d'un bataillon de la police de la république autoproclamée par les rebelles à Lougansk (LNR), "a été tué, l'information est vérifiée", a indiqué le service de presse du ministère de la Défense de la LNR. "Une chasse contre les dirigeants de notre république est à l'oeuvre", a ajouté la même source.
Le chef séparatiste se trouvait en route dans son véhicule près de la localité d'Altchevsk, à une quarantaine de kilomètres du chef lieu régional, Lougansk, quand son véhicule a été attaqué vers 15H00 GMT, a précisé l'agence officielle de la LNR dans un communiqué.
"Selon des données préliminaires, l'automobile dans laquelle se trouvait Mozgovoï a été touchée par un engin explosif puis par une mitrailleuse", a précisé la même source.

"Il y a en tout sept morts", a déclaré le procureur général adjoint de la LNR, Sergueï Gorenko, dans une d'une conférence de presse retransmise par les médias russes, ajoutant que ce bilan préliminaire devait encore être précisé. "L'une des versions étudiées est un acte d'un groupe d'espionnage et de sabotage", a-t-il ajouté.

Crâne rasé souvent coiffé d'une casquette militaire, bouc poivre et sel, Alexeï Mozgovoï était connu pour avoir dirigé le bataillon rebelle Prizrak ("fantôme") engagé dans certains des combats les plus âpres du conflit qui a fait plus de 6.200 morts en un an.
Son nom avait été ajouté en décembre dernier à la liste noire des personnes sanctionnées par les Etats-Unis pour leur implication dans la crise ukrainienne.

L'un des dirigeants de la république séparatiste voisine de Donetsk, Andreï Pourguine, a appelé à une enquête "très rapide". "L'Ukraine va s'en servir (...) pour mettre de l'huile sur le feu", a-t-il déclaré, cité par les agences de presse russes. Un accord de cessez-le-feu a été signé le 12 février à Minsk et reste globalement respecté après son entrée en vigueur le 15 février. Il reste cependant très fragile et des combats sporadiques éclatent régulièrement dans l'Est.

Selon le bilan quotidien donné samedi par l'armée ukrainienne, un soldat ukrainien a été tué en 24 heures dans la zone de combats et cinq ont été blessés.
Le Figaro

 

La situation en Ukraine à la fin mai 2015 par Xavier Moreau


Xavier Moreau est un analyste installé en Russie depuis 14 ans. Il est l'auteur de la "Nouvelle Grande Russie" et l'un des intervenants principaux du site d'analyses politico-stratégiques stratpol.com.




Signer la pétition : français libres

mercredi 20 mai 2015

Sergueï Lavrov sur sa rencontre avec John Kerry à Sotchi (mai 2015)

Sergueï Lavrov

Réponses à la presse du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors du Déjeuner d'affaires organisé par la rédaction du quotidien Rossiïskaïa gazeta, Moscou, le 18 mai 2015


Question: Tout le monde s'intéresse à la situation en Ukraine, à la poursuite du dialogue au format de Minsk. Tout le monde a entendu que des pourparlers très difficiles ont eu lieu avec le Secrétaire d’État américain John Kerry, mais on ignore de quoi il était question. Pourriez-vous nous en dire plus? Que pouvez-vous dire au sujet de l'éventuelle participation de la partie américaine au règlement de la situation en Ukraine? Quelles actions peuvent être attendues de la part de la Russie et des USA pour normaliser les relations bilatérales? Peut-on envisager à terme une rencontre entre les présidents de la Russie et des USA? Parlez-nous de la visite d'aujourd'hui de la Sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland à Moscou.

Nous vous avons vu à Sotchi au volant d'une GAZ Pobeda. Qui l'a mise à votre disposition? Quelle impression a-t-elle fait sur John Kerry?

Sergueï Lavrov: Quand nous sommes venus à Sotchi pour préparer la visite de John Kerry, un représentant du ministère des Affaires étrangères m'a présenté à un habitant, Vartan Eremian, mécanicien et descendant de participants à la Grande Guerre patriotique (une rue de Sotchi porte même le nom des frères Eremian). Entre autres, Vartan Eremian répare et restaure des voitures rares. La Pobeda dont il est question avait été offerte à un vétéran de la Grande Guerre patriotique, qui vivait à Sotchi et était un ami de Vartan Eremian. Avant sa mort, le propriétaire a légué sa voiture à Vartan Eremian en lui disant: "Tu sais entretenir les voitures, je veux que cette Pobeda t'appartienne, pour qu'elle serve le plus longtemps possible à ce qu'on se souvienne ce qu'est la Victoire (Pobeda en russe) et ce qu'elle signifie pour nous".

Quand il m'a raconté cette histoire, Vartan Eremian m'a proposé d'arriver avec cette voiture devant la Flamme éternelle du mémorial dédié aux soldats de Sotchi morts au combat, aux personnes décédées dans les hôpitaux où arrivaient les blessés du front. Tout cela faisait sens, surtout que nous avions prévu une cérémonie de dépôt de gerbes à ce monument au début de la visite de John Kerry à Sotchi. Je l'attendais sur place, le Secrétaire d’État était venu avec son cortège. Nous avons organisé une cérémonie qui l'a beaucoup touché. Plusieurs dizaines, voire centaines de jeunes qui tenaient des bougies. Le Secrétaire d’État était vraiment ému. Je lui ai demandé s'il ne voulait pas venir avec moi pour se rendre avec cette voiture vers le lieu des pourparlers. Il a répondu: "Cela aurait été avec joie, mais nous avons nos règles, notre service de sécurité, et il aurait fallu le convenir préalablement". C'est tout ce qui concerne la Pobeda.

GAZ Pobeda

Maintenant passons à l'Ukraine. Pendant notre entretien (à Sotchi) nous n'avons pas parlé uniquement de ce dossier, mais il a occupé la majeure partie de notre temps. Ce thème a encore pris beaucoup de place dans la conversation entre le Président russe Vladimir Poutine et John Kerry. Le sens de nos entretiens se résume à la recherche de dénominateurs communs. Cela a été assez rapide parce que la Russie et les USA soutiennent la mise en œuvre à part entière des accords de Minsk. Mais le diable est dans les détails: les points concrets des accords de Minsk du 12 février, les tâches concrètes des sous-groupes de travail créés à Minsk le 6 mai, ainsi que l'interprétation des tâches concrètes. Sur ces détails, nos points de vue divergent. Le 12 février à Minsk, nous, les dirigeants des quatre États du "format Normandie", partions de la nécessité d'un respect rigoureux de la succession des tâches fixées dans les accords pour régler la crise, mais aussi du contenu de ces accords.

Les Américains ont une interprétation quelque peu différente, même si de notre point de vue des choses justes convenues avec le Président ukrainien Petro Porochenko et ses représentants dans le Groupe de contact sont écrites noir sur blanc. Il n'y a rien de discutable. Par exemple, il est écrit que les élections municipales doivent être organisées sur les territoires contrôlées par les insurgés des régions de Donetsk et de Lougansk conformément à la loi ukrainienne et de concert avec les représentants de ces deux républiques autoproclamées. Les Américains disent: "La loi ukrainienne existe, il faut dont organiser les élections en conformité avec cette loi". La loi sur le statut particulier de ces territoires a déjà été convenue avec Lougansk et Donetsk en septembre (2014) et il faut simplement l'adopter. Mais en l'adoptant ce printemps la partie ukrainienne a déformé son contenu en y apportant des amendements qui signifient au fond le statut de ces territoires comme "occupé" et que les représentants de Lougansk et de Donetsk représentent on ne sait qui sur ces territoires occupés, et que les élections s'y tiendront quand ces territoires seront complètement contrôlés par Kiev. C'est une interprétation complètement déformée et même pervertie, directement opposée à ce qui est écrit dans les accords de Minsk.

Nous avons initié la création des sous-groupes de travail après le sommet de Minsk du 12 février. En exploitant leur activité nous ferons en sorte que les membres de chacun de ces sous-groupes – économique, politique, humanitaire, pour la sécurité – prennent en charge la partie correspondante des accords de Minsk et la mettent en œuvre. En effet, cela nécessitera un changement de la position actuelle des autorités de Kiev qui, en annonçant leur attachement total aux accords de Minsk, rejettent en réalité le principe clé de leur mise en œuvre – le dialogue direct avec Lougansk et Donetsk. Ce dialogue direct est la clé pour régler les questions du statut particulier provisoire, l'organisation des élections municipales sur ces territoires et la réforme constitutionnelle, dans le cadre de laquelle les positions de Donetsk et de Lougansk doivent être entièrement prises en compte en ce qui concerne ces territoires. La réforme constitutionnelle est appelée à transformer ce statut particulier de provisoire en permanent. Tout cela y est écrit.

Il est très difficile de dialoguer avec des gens qui disent "oui, nous sommes d'accord avec vous, il faut tout mettre en œuvre, mais c'est à vous de le faire, vous devez les forcer à se rendre, renoncer au fait qu'ils ont été élus par le peuple et assurer le rétablissement du contrôle total de Kiev sur les frontières de ces territoires avant que tout le reste soit fait". Les accords de Minsk stipulent que le contrôle le long de la frontière russo-ukrainienne dans la partie tenue actuellement par les insurgés sera établi quand toutes les démarches que j'ai énumérées seront mises en œuvre (le statut particulier provisoire, les élections municipales, la levée du blocus économique et la réforme constitutionnelle). Nos partenaires n'ont pas d'arguments à ce sujet, même si, je le répète, ils prônent verbalement l'accomplissement des accords de Minsk, mais qu'en actes ils cherchent à tout changer. J'espère que ce qui a été convenu (sur la nécessité d'influer sur les deux parties, parce qu'il y a aussi des choses à exiger de Lougansk et de Donetsk pour un cessez-le-feu plus rigoureux, même si les principales provocations sont entreprises par les autorités ukrainiennes) sera respecté, que les USA useront de leur influence et de leur poids sur les autorités de Kiev pour les convaincre de remplir les accords de Minsk. Au regard de ce que j'ai dit sur les tentatives d'interpréter ces accords de manière biaisée, ce processus ne sera pas simple. Et nous, nous continuerons de travailler avec les représentants des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.

La visite de la Sous-secrétaire d’État Victoria Nuland fait suite aux entretiens du 12 mai à Sotchi. Mes collègues, notamment le Vice-ministre des Affaires étrangères Karassine, qui supervise les relations avec l'Ukraine, s'entretiendra avec elle précisément pour que Washington fasse pression sur Kiev, premièrement pour empêcher tout échec ou scénario de force et, deuxièmement, pour entamer le processus politique à travers un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk.

Question: Où en sont les relations russo-américaines est quel est leur avenir? Comment interpréter la visite du Secrétaire d’État américain John Kerry?

Sergueï Lavrov: Il me semble que dans le quotidien Rossiïskaïa gazeta et sur le web, cette visite a déjà été suffisamment analysée. Cela signifie avant tout que les tentatives d'isoler la Russie échouent. Les questions soulevées par John Kerry ne concernent pas seulement l'Ukraine, mais aussi la Syrie, le Yémen et bien d'autres - des questions qu'il est très difficile de régler sans la Russie.

Je suis reconnaissant envers mon collègue américain et je pense qu'il a agi de manière très responsable. Nous avons évoqué franchement et honnêtement tous les conflits régionaux qui nuisent aujourd'hui à des millions de gens et entraînent des morts de masse.

Bien évidemment, nous avons parlé des relations russo-américaines. Nous avons une position parfaitement honnête – nous sommes prêts à mettre en œuvre tout ce qui a été convenu avec les Américains, y compris en ce qui concerne le fonctionnement des mécanismes de coopération bilatérale. Il existait une Commission présidentielle, dans le cadre de laquelle ont été créés 21 groupes de travail sur les domaines pertinents de coopération économique, humanitaire et de sécurité internationale. Il est évident que quand deux pays comme les USA et la Russie cessent soudainement de communiquer sur toutes ces questions, leurs décisions rencontrent objectivement de nouveaux problèmes. Nous avons senti de la part de nos partenaires un intérêt pour relancer la coopération dans la lutte contre le terrorisme, le crime organisé, les menaces de prolifération des armes de destruction massive sous ses diverses formes. J'espère qu'après l'analyse des pourparlers de John Kerry, nos partenaires américains entreprendront des démarches pour reprendre la coopération. Nous sommes prêts. Mais ce n'est pas nous qui avons rompu les contacts. Ceux qui l'ont fait doivent revoir leur position.

Question: La plupart des négociations entre les Six et l'Iran se tiennent à huis clos, leur contenu demeure secret. La dernière percée internationale concerne le progrès des négociations. Comment cela a-t-il été possible?

La décision de la Russie de fournir à l'Iran des systèmes sol-air S-300 préoccupe certains partenaires de la Russie, pas seulement Israël et les USA, mais bien d'autres. Dans quelle mesure cette décision a-t-elle été objective? Quelle est son importance pour la Russie? N'est-ce pas une erreur en politique étrangère?

Parle-t-on de l'éventuelle adhésion de l'Iran à l'OCS au sommet de cette année, à l'occasion de la levée des sanctions contre ce pays?

Sergueï Lavrov:
Le programme nucléaire iranien a été discuté très activement ces derniers 18 mois. Des progrès notables ont été enregistrés et toutes les parties cherchent à trouver un accord. La réunion de Lausanne du 2 avril a marqué une percée, qui a permis de convenir d'un cadre politique pour le futur accord. Les experts travaillent actuellement sur la concrétisation de ces accords dans des formulations juridiques et techniques. Cela a été possible grâce à la compréhension, par les participants au processus et l'Iran, du fait qu'il n'était pas dans leur intérêt de tirer inutilement sur la corde. Je me réjouis que les participants russes aient proposé une formule convenable pour tous et permettant de tomber d'accord sur les fondements du travail à suivre – la progression par étapes et la réciprocité, quand chaque démarche de l'une des parties s'accompagne d'une démarche de l'autre partie. Ce principe a fonctionné.

Nos experts – avant tout le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov – ont également émis des propositions sur ce que Téhéran devait faire avec l'enrichissement de l'uranium après le règlement de son programme nucléaire et après d'autres décisions techniques concernant, entre autres, la nécessité d'assurer un équilibre des intérêts du point de vue de la levée des risques de prolifération des technologies nucléaires. Ces propositions ont permis d'avancer dans les négociations. Dans notre travail actuel nous accordons une attention particulière à ce que les solutions qui seront finalement élaborées ne créent aucun précédent pour l'activité de l'AIEA, pour le système de garanties que l'Agence offre universellement à tous ses participants et pour les méthodes garantissant la non-prolifération et le contrôle des exportations. De ces accords dépendent les possibilités de développer des relations économiques légitimes avec d'autres pays. Il est primordial de ne pas créer des obstacles artificiels, de ne pas chercher à profiter de ce processus comme d'un prétexte pour une concurrence déloyale.

Nous pensons que le délai souhaitable défini par les Six et l'Iran – le 30 juin prochain – peut parfaitement être respecté et que l'accord sera convenu. Cela demandera à terme de travailler au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, parce qu'il existe déjà un accord pour approuver cette entente par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et d'y prévoir immédiatement toutes les démarches qui la composent, ce qui inclut évidemment la levée des sanctions. Nous souhaitons que toutes les mesures punitives décrétées par le Conseil de sécurité des Nations unies soient levées rapidement, notamment celles adoptées sans lien avec le besoin de persuader l'Iran de respecter les règles de l'AIEA. Certaines sanctions économiques, notamment unilatérales, ont été décrétées dans le cadre de cette tâche. Je suis donc prudemment optimiste, mais avec un accent sur l'optimisme.

Système lance-missile S-300
En ce qui concerne les systèmes S-300, leur livraison à l'Iran n'a jamais été interdite par le Conseil de sécurité des Nations unies, même par les sanctions unilatérales des Américains et des Européens qui portaient d'une manière ou d'une autre sur le problème des S-300. La suspension de ce contrat a été initiée par la Russie pour satisfaire nos partenaires occidentaux selon qui cela rendrait l'Iran plus constructif dans les négociations. Nous avons écouté cet argument et l'avons expliqué à nos partenaires iraniens. Mais suffisamment de temps s'est écoulé depuis. Le progrès positif fondamental des négociations et les accords de Lausanne méritent, selon nous, d'encourager l'Iran à poursuivre la coopération non plus en suspendant un contrat mais au contraire en levant nos propres restrictions unilatérales et en passant à l'exécution du contrat.

L'accord d'automne 2013 était intermédiaire et a été rempli en un an – l'Iran a accepté les démarches qu'il devait accomplir, et à leur tour les pays occidentaux, notamment les USA, ont affaibli leurs sanctions unilatérales. Si les Américains encouragent l'Iran pour sa participation constructive aux négociations en réduisant leurs restrictions unilatérales, pourquoi alors la Russie devrait agir autrement sur le plan politique - et en principe? Nous sommes convaincus qu'il faut le faire.

Du point de vue de la sécurité régionale, les S-300 ne représentent aucune menace pour qui que ce soit et ne causent de problèmes à personne, à moins, bien sûr, que quelqu'un ne décide de bombarder l'Iran. Nous avons vu par l'exemple du Yémen que de tels excès étaient envisageables. C'est pourquoi les systèmes de défense qui préviennent les risques et réduisent la tentation de recourir aux attaques s'inscrivent dans la droite ligne de notre position, qui consiste depuis de nombreuses années à promouvoir l'idée de création d'un système de sécurité régionale dans le Golfe avec la participation de tous les pays arabes et de l'Iran. Les pays qui, selon notre conviction, doivent potentiellement commencer à coopérer adoptent pour l'instant des positions différentes. Parmi les pays arabes du Golfe certains sont prêts à en parler, d'autres estiment qu'il faut d'abord s'assurer que l'Iran n'a aucune intention agressive. Téhéran n'a attaqué personne depuis des décennies. Mais l'Iran a été attaqué, y compris par le biais de l'Irak de Saddam Hussein en utilisant des armes chimiques.

Il faut évidemment prendre en compte tout le complexe, si vous voulez, des sentiments historiques des États qui ne peuvent pas s'occuper de leur sécurité. Je ne suis absolument pas d'accord avec ceux qui disent que c'était une erreur politique. Je me référerais au Président américain Barack Obama: quand nous avons annoncé la décision de reprendre le contrat pour fournir des S-300, on lui a demandé s'il cela ne préoccupait pas les USA. Il a répondu que non et a même été surpris de voir que les Russes avaient mis cinq ans à relancer ce processus. La réaction qui a suivi après l'annonce de notre intention de relancer le contrat n'était pas alarmiste, mais pesée, objective et reflétait la compréhension des analystes de la justesse et du caractère inévitable de cette démarche.

L'Iran a déposé sa candidature à l'OCS depuis longtemps. Étant donné que les critères d'adhésion de cette Organisation exigent que le candidat ne fasse l'objet d'aucune sanction du Conseil de sécurité des Nations unies, sa requête n'a pas encore été formellement examinée. Mais dès que l'accord sur le programme nucléaire iranien sera fixé, il n'y aura plus aucun obstacle à l'adhésion de l'Iran à l'OCS. Compte tenu de toutes les circonstances, la Russie espère qu'au sommet de l'OCS d'Oufa, où sera officiellement ouverte la procédure d'adhésion à l'OCS de l'Inde et du Pakistan (il existe déjà une entente générale), nous pourrons prendre une décision qui soulignera notre disposition à promouvoir l'adhésion de l'Iran au fur et mesure de l'avancement du règlement du programme nucléaire iranien et, par conséquent, la suppression des raisons pour maintenir les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies. Il est encore trop tôt pour en parler, parce que beaucoup de choses peuvent encore se produire d'ici deux mois. Mais j'ai de bonnes raisons de croire que le progrès sera suffisant pour que les chefs d’État présents à Oufa reçoivent, de la part des ministres préparant le sommet, la proposition de prendre une décision politique qui indiquerait une perspective claire d'adhésion de l'Iran.

Question: De nombreuses délégations étrangères étaient présentes à Moscou les 8, 9 et 10 mai. Le Président a participé à de nombreux entretiens et vous étiez présents à la plupart d'entre eux. Pouvez-vous nous donner certains détails sur ces réunions?

Sergueï Lavrov:
Dans l'ensemble il n'y a pas de grands secrets. Certains dossiers en sont au stade de la concertation avec nos partenaires. La visite officielle du Président chinois Xi Jinping, le 8 mai à la veille de la journée de la Victoire, et la majeure partie de la journée consacrée aux activités dans le cadre de cette visite n'avait rien de secret. Les accords convenus sont transparents, nous n'avons rien à cacher, nous ne faisons pas d'intrigue contre qui que ce soit. Je noterais la Déclaration commune sur la poursuite de l'approfondissement de notre partenariat stratégique avec la Chine; la très importante Déclaration commune signée par les deux chefs d’État sur la connexion entre l'intégration économique eurasiatique et le projet chinois de "Ceinture économique de la Route de la soie", l'important Accord intergouvernemental sur la coopération dans le domaine de la sécurité informatique internationale. La Russie, la Chine et nos partenaires de l'OCS, de l'OTSC et du groupe des Brics soutiennent activement ces thèmes dans le cadre de l'Onu pour faire en sorte que les acquis des dernières décennies dans les technologies informatiques et de communication ne soient pas utilisés pour nuire à tel ou tel pays, pour éviter l'abus de ceux qui contrôlent divers segments de l'internet, et que les États soient égaux dans le domaine des droits de l'homme également, comme le prescrit la Charte de l'Onu où l'équité n'est limitée par aucune sphère d'activité mais est déclarée et fixée dans le droit international en tant que principe fondamental.

Hormis le sommet sino-russe, le Président russe Vladimir Poutine a rencontré les dirigeants de l'Inde et de l'Afrique du Sud. De la même manière qu'avec le Président chinois Xi Jinping, ils ont parlé du renforcement du groupe des Brics, y compris dans le cadre de la préparation de son sommet qui se tiendra juste après celui de l'OCS à Oufa début juillet.

Les dirigeants de la CEI, également venus assister aux festivités, se sont également rencontrés de manière informelle. Les chefs d’État ont évoqué l'ensemble de notre travail commun à l'occasion du 70e anniversaire de la Victoire et de l'Année des vétérans de la CEI organisée cette année. Des aspects concrets des processus d'intégration dans l'espace de la CEI ont été étudiés.

Pour la première fois depuis le début du fonctionnement de l'Union économique eurasiatique (UEE) s'est tenue la réunion du Haut conseil économique eurasiatique qui a fixé définitivement l'adhésion du cinquième membre – le Kirghizstan. Désormais, au même titre que la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie et l'Arménie, le Kirghizstan est membre à part entière de l'UEE. Le Conseil s'est penché sur le renforcement de l'Organisation, ainsi que sur les tâches concrètes à court et moyen terme au vu de la situation économique mondiale.

Nous avons apprécié la venue de la Chancelière allemande Angela Merkel à Moscou le 10 mai, sa volonté de rendre hommage au peuple soviétique et à tous ceux qui sont tombés pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a rencontré le Président russe Vladimir Poutine. Ils sont essentiellement parlé de l'Ukraine dans le sens que j'ai déjà mentionné. A ce sujet, avec l'Allemagne, nous sommes d'accord sur la nécessité de remplir consciencieusement les accords de Minsk. La Chancelière Angela Merkel, qui a personnellement participé à la concertation sur le document du 12 février, sait parfaitement ce qu'il contient et comprend le caractère contre-productif des tentatives d'interpréter de manière déformée son contenu.

Le Président russe et la Chancelière allemande ont évoqué les questions caractérisant l'état actuel des relations entre la Russie et l'Union européenne. Je poursuivrai aujourd'hui à Bruxelles (où nous partons pour participer à la réunion de demain du Comité des ministères du Conseil de l'Europe) cette conversation avec la Haute représentation de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Federica Mogherini.

Question: La conversation ne sera certainement pas simple?

Sergueï Lavrov: Nous ne crions pas l'un sur l'autre, nous dialoguons.

Source

lundi 18 mai 2015

24H à Chirokino, point le plus chaud du Donbass [VOSTFR]

Chirokino (en rouge)

Chirokino, 16 mai 2015. Les envoyés spéciaux de la chaine russe "KP" [Komsomolskaïa Pravda] Alexandre Kots et Dimitri Stechine ont passé 24 h au point le plus chaud du Donbass, à 20km à l'est de Marioupol :


VOSTFR : Thalie X2

Voir le récent reportage de Kots et Stechine :
L'OSCE constate les violations répétées des accords de Minsk par les troupes ukrainiennes [VIDEO ST FR.] 

Leur documentaire sur le siège de Slaviansk :
L'adieu de Slaviansk

Après sa rencontre avec Valls, Iatseniouk reconnait préparer un assaut sur le Donbass et accessoirement y commettre un génocide (!)


Serrage de pinces entre Valls et Iats à Matignon

En visite à Matignon pour rencontrer son homologue le Maréchal Pétain Manuel Valls, le 1er sinistre ukrainien Yevgueny Iatseniouk a implicitement reconnu accumuler les forces armées ukrainiennes en prévision d'un futur assaut et accessoirement accomplir un génocide dans le Donbass :


Dans la cour de Matignon, après sa rencontre avec Valls le 13 mai :
1) Frédéric Saillot pour Eurasie Express (en anglais) :
- M. Iatseniouk, quand allez-vous cesser le génocide dans le Donbass ?
- Quand Poutine se retirera, remplira l'accord de Minsk, cessera de violer la loi internationale... et quand la Russie sera traduite en justice
- Vous avez déjà tué de 6 à 10 000 personnes, allez-vous continuer ?
- C'est terrible, Poutine met en œuvre une politique nationaliste d'extrême-droite (sic), il a tué des Ukrainiens innocents et annexé illégalement la Crimée...
- C'est vous qui avez tué des Ukrainiens innocents... de 6 à 10 000 civils.
2) Un journaliste français (en anglais) :
- Que pensez-vous des pourparlers entre Américains et Russes hier à Sotchi ?
- Je n'ai rien vu à ce sujet sur CNN. Mon message est que Sotchi n'est pas la meilleure station balnéaire au monde... Les Etats-Unis sont efficaces et nous comptons sur leur soutien pour obliger la Russie à réaliser les accords de Minsk et à retirer ses forces
3) A une question de RFI (en russe) :
- L'actuelle concentration des forces soulève la question des chances (sic) d'une reprise des combats et celle des devoirs de l'ensemble du monde libre : arrêter la Russie et l'obliger à respecter les accords de Minsk qu'elle a également signés.
Conclusion : Iatseniouk reconnaît perpétrer un génocide dans le Donbass pour que "Poutine se retire". Il persiste et signe en annonçant une reprise des combats.

Source : Eurasie Express

dimanche 17 mai 2015

Le débat Emmanuel Todd - Alain Badiou : De qui Charlie est-il le nom ?



Il est encore possible de débattre sereinement en France et d'émettre des pensées en dehors des sentiers battus, en tout cas sur internet (1). Démonstration par Alain Badiou et Emmanuel Todd :


Sur l'«esprit du 11 janvier» : le débat... par Mediapart

(1) Mais pas à Toulouse!

samedi 16 mai 2015

L'OSCE constate les violations répétées des accords de Minsk par les troupes ukrainiennes [VIDEO ST FR.]


Voici un reportage réalisé par Alexandre Kots et Dimitri Stechine, journalistes du quotidien russe "Komsomolskaïa Pravda" sur une visite des inspecteurs de l'OSCE au village de Sakhanka, en territoire "séparatiste", et la rencontre avec les habitants excédés par les bombardements quotidiens de l'artillerie ukrainienne :


Sakhanka est un village qui se trouve à l'est de Marioupol. Depuis le 8 mai, le jour de la rotation des troupes ukrainiennes , c'est le bataillon AZOV qui stationne dans la région. AZOV possède sa propre artillerie , interdite par les accords de Minsk. Et depuis qu'ils sont là, les bombardements ont repris. Tous les jours. Dès l'aube. L'OSCE s'est enfin rendu à Sakhanka. (Traduction : Thalie Thalie)

Mise à Jour (12h30) :


Vidéo d'AZOV mise en ligne le 13 mai qui montre l'artillerie illégale du bataillon punitif ukrainien en train de tirer sur le village de Shirokino proche de Sakhanka. Merci à Yelena pour la vidéo!

Pour plus de détails :

L'OSCE face à ses limites : Chronique d'un drame annoncé

Retour sur le grand documentaire de Kots et Stechine réalisé pendant le terrible siège de Slaviansk :

L'adieu de Slaviansk

vendredi 15 mai 2015

[liberté d'expression] Emmanuel Todd censuré à Toulouse!



Coupable de déviance anti-charliste, de blasphème à la religion néo-républicaine, voire de révisionnisme du 11 janvier, Emmanuel Todd ?
En tout cas, c'est bien peu de dire que son livre «Qui est Charlie ?» soulève une vague d'hystérie collective considérable chez des gens qui, pour beaucoup, ne l'ont même pas lu. 
Un chose est certaine, si ses multiples détracteurs cherchent à prouver qu'il a raison, on peut dire qu'ils y réussissent avec une maestria exceptionnelle!

PS : En attendant (s'il n'est pas déprogrammé à la dernière minute!) ne manquez pas son passage ce soir, 15 mai 2015 chez Frédéric Taddei à 23H35 sur France 2 dans l'émission "ce soir ou jamais"!

Emmanuel Todd, l'auteur de «Qui est Charlie?» déprogrammé à Toulouse

Emmanuel Todd, l'auteur de l'ouvrage controversé «Qui est Charlie ?», devait animer un débat à la librairie toulousaine Ombres Blanches. Il a été déprogrammé.

Une semaine après la sortie de «Qui est Charlie ?» et le tumulte qu'a suscité son analyse controversée sur les manifestations du 11 janvier, Emmanuel Todd qui devait animer courant juin à Toulouse un débat à l'invitation de la librairie Ombres Blanches, découvre ce jeudi 14 mai qu'il n'est plus le bienvenu. Une première dans la tournée promotionnelle organisée partout en France par son éditeur (Le Seuil), mais surtout dans la longue carrière d'essayiste d'Emmanuel Todd, auteur d'une copieuse bibliographie traitant tout à la fois d'histoire, d'anthropologie, de démographie ou de sociologie qui, jusque-là, faisait référence. Et consensus…
«Les circonstances ne sont pas favorables»

Contacté hier par «La Dépêche du Midi», Christian Thorel, le patron d'Ombres Blanches, a d'abord évoqué «un non-événement. Nous parlons de l'annulation ou de l'ajournement d'un débat qui n'avait pas été annoncé publiquement et qui ne concerne à ce jour que l'auteur, son éditeur et moi-même», indique le libraire toulousain. Interrogé sur les raisons de cette déprogrammation, Christian Thorel juge que «les circonstances ne sont pas favorables et que les conditions d'un débat, tel que je le conçois, ne sont pas réunies. Il ne s'agit pas d'un désaccord avec Emmanuel Todd que j'ai déjà accueilli six ou sept fois à Ombres Blanches, mais d'un sujet et d'un contexte où rien n'est simple. Si je n'avais qu'une conception mercantile de mon métier, je ferais venir Todd, qui est ma meilleure vente, sans me soucier du reste».

Un «reste» avec lequel Christian Thorel ne transige pas, puisqu'il s'agit de sa conscience, troublée par «Qui est Charlie ?». «Je peux approuver les thèses de Todd tout autant que celles de ses détracteurs», soupire le libraire qui, en 2012, avait appliqué le même remède aux mêmes maux. En pleine polémique sur les caricatures du prophète Mahomet, il avait finalement renoncé à accueillir Riss & Luz, deux dessinateurs de l'hebdomadaire satirique «Charlie Hebdo» à Ombres Blanches. Aujourd'hui comme hier, Christian Thorel rappelle son attachement à la liberté d'expression, et son droit à attendre des jours meilleurs pour qu'elle s'exerce pleinement.

Une vision que ne partage pas forcément Emmanuel Todd. Soucieux de ne pas jouer le rôle du polémiste dans lequel veut à présent l'enfermer la critique, l'auteur n'a pas souhaité commenter l'acte symbolique et jusque-là inédit de celui qui, à Toulouse, a toujours soutenu son œuvre. Mais, comme pour le 11 janvier, sans doute a-t-il beaucoup à dire, désormais, du 14 mai…
Une autre vision du 11 janvier

Merveilleux sursaut collectif et républicain, comme l'ont considéré la plupart des observateurs ? Examinés par Emmanuel Todd, le 11 janvier et ses nombreuses manifestations organisées un peu partout en France quatre jours après l'attentat de «Charlie Hebdo», ne seraient qu'un «flash totalitaire» d'un peuple en pleine crise religieuse. Dans son livre «Qui est Charlie ?», l'auteur dissèque ces rassemblements et analyse leur sens. Il y voit des manifestations «pour le droit à caricaturer les plus faibles», souligne l'absence des classes populaires ou dénonce encore le rejet de l'islam, «religion minoritaire».

Source : La Dépêche du Midi

jeudi 14 mai 2015

L'aspect religieux du conflit en Ukraine par Xavier Moreau


Xavier Moreau est un analyste installé en Russie depuis 14 ans. Il est l'auteur de la "Nouvelle Grande Russie" et l'un des intervenants principaux du site d'analyses politico-stratégiques stratpol.com.


L'aspect religieux du conflit en Ukraine par Xavier Moreau

mardi 12 mai 2015

Pourquoi l'un des principaux experts de politique étrangère russe redoute une guerre majeure avec l'Europe (Partie 2)

Le Tu-95, bombardier russe à long rayon d'action, l'un des types d'avions qui a été vu dans ou près de l'espace aérien de l'OTAN durant les derniers mois, ce qui est vu par les gouvernements occidentaux comme une dangereuse provocation (Wojtek Laski / Getty)
Voici la deuxième partie de l'entretien avec Fedor Loukianov réalisé par le journaliste américain Max Fisher, rédacteur en chef du site Vox, et Amanda Taub, et publié le 5 mai 2015. (Voir la 1ere partie)

Fedor Loukianov est le rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs et président du Conseil de politique étrangère et de défense russe. Loukianov est l'un des experts de politique étrangère les plus influents et les mieux informés de Russie. Il est largement considéré comme reflétant la position de politique étrangère officielle de l'establishment russe.
 
La peur, la tension, et la mauvaise communication entre la Russie et l'OTAN

Max Fisher: Permettez-moi de vous questionner à propos de l'OTAN. Il y a des discussion à propos des mesures considérées pour intégrer la Suède ou peut-être même la Finlande à l'OTAN. Comment sont perçus ces discussions ici, à Moscou, et quelles seraient les conséquences si réellement des mesures étaient prises en ce sens ?

Fedor Loukianov: C'est très mal perçu. L'OTAN est de retour comme principale menace symbolique. La Suède est particulièrement active dans le rétablissement de cette vieille politique [dépeignant une] menace russe. La Finlande moins, mais avec le même genre de perception.

Ce qui se passe aujourd'hui en Europe du Nord et dans les pays baltes est très regrettable et dangereux. Ce n'est pas le but de la Russie, comme beaucoup le croient dans l'Ouest, de prendre les États baltes ou de tester l'article V [la disposition de l'OTAN pour l'auto-défense mutuelle, dans laquelle tous les États membres viendraient à l'aide d'un allié attaqué] . Je ne pense pas que ce soit l'objectif de la direction russe.

Le problème est que depuis la guerre froide, tous les mécanismes qui permettaient de prendre l'autre au sérieux et de disposer des moyens pour contrôler les dommages, tous ces mécanismes ont été perturbés ou érodés.

Max Fisher: Qu'entendez-vous par des mécanismes?

Fedor Loukianov: Les lignes de Téléphone rouge entre les chefs d'états-majors, pour communiquer. Des mécanismes pour convenir où nos avions peuvent aller ou pas et où vont aller les vôtres.

Je veux dire la vaste infrastructure de la guerre froide vaste qui a été développé, après la crise des missiles cubains en particulier, afin de gérer l'hostilité. Parce qu'ils avaient compris qu'ils étaient tenus d'être des adversaires, mais que des mesures étaient nécessaires pour éviter les collisions mortelles. Pour avoir une guerre par procuration en Afghanistan ou ailleurs, d'être extrêmement prudent avec les sous-marins équipés de missiles nucléaires qui se côtoient le long des côtes des uns et des autres, c'est important. Et cela s'est dégradé depuis la fin de la guerre froide parce que la perception commune était que nous n'en avions plus besoin. Malheureusement, c'est de retour, mais nous avons besoin de rétablir des mécanismes.

Qu'est-ce qui se passe dans les régions de la Baltique et en Europe du Nord, toutes ces affirmations sur des avions russes dont les transpondeurs sont éteints et ainsi de suite, il est très difficile de savoir qui ment ou pas. Les deux camps sont, sinon des menteurs, du moins coupables de beaucoup d'omissions. Comme une personnalité majeure me l'a dit, bien sûr que nous éteignons nos transpondeurs, c'est une chose normale, ils ont besoin de tester différentes options pour l'exercice de ce qu'ils doivent exercer. Mais il y a un problème de communication et d'entente. Comment le faisons-nous? Que pouvez-vous attendre que nous allons faire ou pas ?

Malheureusement, les pays baltes sont devenus une pièce maîtresse pour cela, pour des raisons compréhensibles. Les Etats baltes sont particulièrement préoccupés, voire terrifiés, par ce qui se passe. Ils veulent que l'OTAN soit physiquement là en cas d'urgence. Fondamentalement, le problème est qu'ils ne font pas confiance à l'OTAN; ils n'ont confiance que dans les américains. Ils ne font pas confiance à leurs alliés européens, en raison de leurs expériences historiques. Ils ont peur que dans le cas d'une situation d'urgence, leurs amis allemands leur dise : "Désolé, nous ne pouvons pas vous protéger maintenant; la prochaine fois."

Rassurer les Etats baltes est une des tâches les plus importantes pour l'OTAN. Voilà pourquoi tant d'activités militaires se produisent dans ce domaine. La Russie réagit à cela parce que la Russie le perçoit comme une approche hostile de la frontière russe. Et c'est un cercle vicieux.

Max Fisher: Y a t-il des domaines spécifiques ou déclencheurs qui vous inquiètent car ils pourraient conduire à de dangereux malentendus?

Fedor Loukianov: Sans qu'il n'y ait aucune intention de créer le grand conflit, il peut arriver. Un pas, un autre pas, et le principe de réciprocité peut devenir très dangereux. Supposons qu'un avion russe soit très proche d'une zone que l'OTAN croit être interdite alors que la Russie estime qu'elle ne l'est pas, et qu'un avion britannique réponde. Cela pourrait être gérable, et dans la plupart des cas, bien sûr, cela le serait, mais qui sait ?

Amanda Taub: Il y a une perception aux États-Unis que l'un des dangers des actions russes est qu'il serait politiquement avantageux pour Poutine d'être considéré comme agressif. Ils regardent ce qui est arrivé en Ukraine, et ils voient que ça a vraiment aidé sa popularité dans le pays. Donc, il y a une crainte que la Russie pourrait être tentée de faire quelque chose comme ça.

Fedor Loukianov: Je me souviens d'un grand nombre de conversations en 2000 avec de nombreux américains et européens sur l'élargissement de l'OTAN.

Je leur ai dit qu'il y avait beaucoup de risques devant nous, surtout si l'Ukraine était invitée dans l'OTAN. L'argument que j'ai entendu plusieurs fois cité était la Pologne. Lorsque la Pologne voulait adhérer à l'OTAN, la Russie s'y est opposé à plusieurs reprises, mais l'a finalement pacifiquement accepté. La Lituanie a voulu la rejoindre, et il en a été de même. [Les Américains et les Européens] ont dit que ce serait la même histoire avec l'Ukraine.

J'ai essayé de les convaincre qu'elle ne serait pas la même parce que l'Ukraine est complètement différente pour la Russie - elle est considérée par beaucoup de gens comme quelque chose qui est en fait une partie de notre pays, ou s'il ne fait pas partie de notre pays, alors un pays qui est absolument essentiel pour la sécurité de la Russie. Si vous essayez [d'intégrer l'Ukraine dans l'OTAN], cela pourrait être très mauvais. Je n'ai pas constaté beaucoup de compréhension pour cet argument. Je pense que M. Poutine a déclaré a peu près la même chose en 2008 au président George Bush lors de leur célèbre sommet de Bucarest. Le message était fondamentalement, "Ne touchez pas à l'Ukraine. Si vous ne la touchez pas, nous n'y touchons pas." (...)

(suite à paraitre bientôt dans la partie 3) (Voir la partie 1)
Source : VOX
(Trad : Bertrand)

Une autre partie de l'entretien (au sujet des relations Russie-US) traduite par le site Dedefensa:
Interview de Fédor Loukianov : “Hillary est la pire option”

samedi 9 mai 2015

Vladimir Poutine : Discours à l'occasion du 70e anniversaire de la Victoire de 1945 (VOSTFR)


Le 9 mai 2015, le président de la Fédération de Russie prononce un discours sur la place rouge, à l'occasion des célébrations du 70eme anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale souvent nommée "grande guerre patriotique" en Russie :


Version sous-titrée en français par Sayed Hasan

6 mai 2015‏ : Les chars russes à Washington!


A Washington, des étudiants en cinéma ont réalisé une action spectaculaire pour protester contre l'absence d'Obama aux célébrations du 70eme anniversaire de la victoire soviétique sur l'armée allemande. Ils ont apparemment projeté des images du défilé sur la façade de la Maison Blanche, à la grande stupéfaction des passants et des touristes présents.


Les États-Unis vainqueurs militaires de la Seconde Guerre Mondiale en Europe ? Vous le croyez vraiment ?

Combattante de l'Armée Rouge à Berlin, 1945
En ce 9 mai, jour historique de célébration pour tous les russes de la victoire contre l'Allemagne nazie, à l'heure où les commémorations de Moscou sont honteusement boycottées par Hollande et les chefs d'états occidentaux soumis au diktat américain, je reprends ici, l'analyse historique de mon ami Ni Ando, initialement publiée en 2009, qui remet les choses à leur place en ce qui concerne la vérité historique :


Les États-Unis vainqueurs militaires de la Seconde Guerre Mondiale en Europe ?

 Cette question peut être abordée sous trois angles:

- celui de la contribution militaire aux pertes (critère imparfait certes).
- celui de la chronologie des opérations.
- celui du poids respectif des fronts.

Nous citons Omer Bartov, historien dont la notoriété et la qualité des travaux sont incontestables.

1- Contribution militaire aux pertes.

S'agissant du niveau de ces pertes, une évaluation étasunienne donne 400.000 pour les pertes de l'US Army dont sans doute 230.000 en Europe et Afrique du Nord. Les pertes de la Wehrmacht ont été revues à la hausse ces dernières années (de 4.000.000 initialement à 5.533.000 aujourd'hui). Les pertes soviétiques ont été recalculées à trois reprises entre 1945 et 1991. Les tués au combat de l'Armée rouge représentent près de 5.000 morts par jour, soit des pertes journalières quatre fois plus élevées que celles subies par l’armée impériale russe sur ce même front de 1914 à 1917.
La commission d'historiens constituée en 1987 en Fédération de Russie évalua le bilan des pertes à 26,6 millions dont près de 10 millions de tués pour l'Armée rouge, 10 millions pour les pertes civiles directes et 7 millions pour les pertes civiles indirectes (surmortalité). Les chiffres donnés pour l'extermination de civils concernent des civils abattus individuellement ou collectivement par le Reich dans les territoires soviétiques conquis et occupés en 1941, 1942 et jusqu'en 1943.

Tués de l’Armée rouge. 9.450.000.
dont tués directs. 6.400.000
dont prisonniers de guerre soviétiques exterminés. 2.500.000.
dont morts d’accidents et fusillés par le NKVD. 550.000.

Le total des pertes militaires et civiles de l'Allemagne et de l'Union soviétique réunies représentent 75% du total des pertes humaines subies en Europe (87% avec la Pologne, en quatrième vient la Yougoslavie avec 2,1%).
Si l'on ne considère que les pertes militaires, tous camps confondus, les tués de l’Armée rouge constituent 53% du total des pertes militaires connues en Europe, ceux de la Wehrmacht 31% et ceux de l’armée nord-américaine 1,3% (Royaume-Uni 1,8%, France 1,4%). Le total des pertes militaires seules de l'Allemagne et de l'Union soviétique réunies représentent donc 84% du total de toutes les pertes militaires subies en Europe.
Les pertes militaires de l’Union soviétique représentent 88% du total des pertes alliées en Europe (Royaume-Uni 3% - France 2,3% - Etats-Unis 2,2%).
De 1941 à 1945, 80% des pertes de la Wehrmacht sont subies sur le front russe. "Fin mars 1945, la totalité des pertes de l’Ostheer (la Wehrmacht sur le front russe) s’élevait à 6.172.373 hommes, soit prés du double de ses effectifs initiaux, au 22 juin 1941. Ce chiffre représentait 80% des pertes subies par la Wehrmacht sur tous les fronts depuis le déclenchement de l’invasion de l’Union soviétique. En termes relatifs, les unités combattantes sur le front russe avaient subi des pertes encore plus importantes". O. Bartov.
Les pertes militaires du conflit germano-russe au sens strict (les seules opérations militaires impliquant une confrontation entre l'Armée rouge et la Wehrmacht) sont de 13.876.400 soit 78% du total des pertes militaires subies en Europe. Si l'on rajoute les forces de l'Axe qui combattirent en Russie (Hongrie, Roumanie, Italie qui eut jusqu'à 200.000 hommes sur ee front) le rapport est encore plus élevé.

2- La chronologie des opérations.

Début 1944, l’Armée rouge met en ligne deux fois plus de chars, quatre fois plus d’avions d’assaut que le Reich. Engagée dans une guerre totale contre la Russie, l’industrie de guerre allemande « tourne » pourtant au maximum de ses capacités et ne cesse de se développer jusqu’au début de 1945 (ses dépenses militaires passent de 35% du PNB en 1940 à 65% en 1944). Dés la fin de 1943, la poussée des armées soviétiques vers l’Allemagne, parsemée de batailles dont l’ampleur et la férocité sont sans équivalent à l’Ouest, apparaît irrésistible. Même si en 1943 la Wehrmacht peut encore aligner 258 divisions en Union soviétique (5 millions d’hommes sur le papier, en fait probablement moins de 3 millions, soit prés de 80% des effectifs totaux de l’armée allemande qui compte en tout 320 divisions fin 1943) il s’agit d’une armée saignée à blanc, qui a perdu ses capacités d’initiative et ses meilleures troupes.
Les armées soviétiques attaquent sans interruption depuis août 1943, sur un front continu de plus de 2.000 km. La Wehrmacht subi défaite sur défaite. Les Russes ont adopté les techniques de la guerre-éclair, et font des centaines de milliers de prisonniers (en mai 1945 on dénombre plus de 3 millions de prisonniers allemands détenus en URSS). Le 5 août 1943 une salve d’honneur fête la libération d’Orel. Le 5 août 1943 est ainsi le début du temps des « Salves de la Victoire ». Minsk est libérée en juillet 1943, Smolensk en septembre.
Le 8 avril 1944, alors que les alliés n’en sont qu’aux préparatifs de leur débarquement en France, une salve de 324 canons marque, à Moscou, l’arrivée de l’Armée rouge en Roumanie et en Tchécoslovaquie. Fin avril 1944, les Russes sont aux portes de la Prusse orientale. En juin 1944, avec 124 divisions et prés de 6.000 chars d’assaut, ils infligent sur un front de 600 km une défaite totale aux divisions allemandes qui combattent en Biélorussie. L'"opération Bagration" aboutit à la destruction complète du groupe d'armées Centre, et constitue la plus grande défaite de la Wehrmacht de la Seconde Guerre Mondiale (380.000 tués et 150.000 prisonniers, 25 divisions anéanties). En juillet 1944, les fantassins soviétiques sont sur la frontière polonaise. Le 28 août ils pénètrent en Hongrie (conquise fin décembre après de très durs combats), en septembre les pays baltes sont libérés, les divisions russes entrent en Finlande. En octobre, les Russes sont en Yougoslavie. Pour la seule année 1944, les armées russes anéantissent 136 divisions allemandes et 50 des pays satellites.
La Russie lance l’offensive finale sur l’Allemagne en plein hiver, sur un front s’étendant de la Baltique à l’Adriatique, avec 6,7 millions de combattants, prés de 8.000 chasseurs et bombardiers, 5.000 pièces d’artillerie autotractées, 7.000 chars contre 3.500, 50.000 canons. Varsovie est libérée le 17 janvier 1945. Le 19 janvier 1945, les premières unités pénètrent en Allemagne. Les chef militaires soviétiques ont la possibilité de foncer sur Berlin dés février (le 30 janvier 1945 les armées de Joukov sont sur l’Oder, à 70 km de la Chancellerie du Reich) mais ils préfèrent d’abord liquider le corps d’armées de la Wehrmacht en Prusse-Orientale puis le réduit de Poméranie, qui menacent leur flanc nord, et nettoyer le flanc sud (Europe centrale). 60 divisions allemandes ont été anéanties lors de ce premier assaut. Pour ralentir la poussée furieuse des Russes, le commandement allemand transfère encore 29 divisions du front ouest vers l’Est, dégarnissant encore un front ouest qui, pourtant, mobilisait déjà moins de 25% des forces du Reich depuis juin 1944.
Le 13 janvier 1945, l’Armée rouge se lance à l’attaque de la Prusse Orientale avec 1,6 million de soldats. La Wehrmacht attend l’assaut avec 45 divisions, soit 580.000 soldats. Au terme de combats d’une incroyable férocité les poches de résistance de l’armée allemande sont liquidées les unes après les autres. Le désastre est total pour l’armée allemande. Il ne reste pratiquement plus rien de son corps d’armées de Prusse-Orientale après seulement trois mois d’offensive russe. Toute l’Allemagne s’ouvre alors à l’Armée rouge.
Les Nord-Américains ne parviennent à traverser le Rhin que le 7 mars 1945 (le 31 mars pour la 1ère Armée française). Le 13 avril 1945 les Russes ont déjà conquis Vienne. Le 16 avril, la Stavka lance à l’assaut de Berlin (3,3 millions d’habitants) une armée de 2,3 millions de combattants équipée de 41.600 canon, épaulés de 6.200 chars et canons autopropulsés, 7.200 avions (quatre armées aériennes). Le 9 mai, l’Allemagne, représentée par Keitel, signe à Berlin (Karlshorst), devant son vainqueur représenté par Joukov, sa capitulation sans conditions.

3- L'importance respective des fronts.

« C’est en Union soviétique que la Wehrmacht eut les reins brisés, bien avant le débarquement des Alliés en France; même après juin 1944, c’est à l’Est que les Allemands continuèrent à engager et à perdre la majorité de leurs hommes. Pour l’écrasante majorité des soldats allemands, l’expérience de la guerre fut celle du front russe ». O. Bartov.
De juin 1941 à juin 1944, le front de la Seconde Guerre Mondiale, en Europe, est le front russo-allemand. Jusqu'en mars 1945, la Wehrmacht y consacre l’essentiel de ses ressources en hommes et en matériels. 34 millions de Soviétiques sont mobilisés dans les rangs de l’Armée rouge de 1941 à 1945, tandis que quelques 20 millions d’Allemands portent, à un moment ou à un autre, l’uniforme de la Wehrmacht sur le front russe.
En juillet 1943, lors de la gigantesque bataille de Koursk, à peine sept divisions et deux brigades (2,7% des forces allemandes) sont engagées face aux Américains et aux Britanniques. Le reste (91 divisions et 3 brigades) se trouve cantonné dans les territoires de l’Europe occupée. Les alliés ont certes pris pied en Afrique du Nord en novembre 1942 (débarquement de 70.000 hommes à Alger et Oran), en Sicile en juillet 1943 (160.000 hommes), en Italie à Salerne (sud de Naples) en septembre 1943 et à Anzio en janvier 1944, mais les moyens engagés pèsent encore de peu de poids (la Wehrmacht n'a que 23 divisions en Italie début 1944) comparés à la démesure des effectifs et des matériels présents depuis 1941 sur le front russe.
La comparaison est difficile entre la guerre sur le front russe, depuis 1941, et celle menée sur le front ouest, essentiellement à partir de juin 1944. Sur le premier, on assiste à une « Guerre de Titans » démesurée et totale. La « guerre industrielle » y atteint un paroxysme jamais égalé depuis, parsemée de gigantesques batailles d’anéantissement. Sur le front ouest, on voit des combats d’arrière-garde, sans influence sur l’issue d’une guerre que l’état-major allemand sait avoir perdu face à l'Union soviétique dés 1943.
La part du front russe dans les opérations de la Wehrmacht est écrasante, y compris jusqu’en mai 1945. La comparaison des pertes subies par la Wehrmacht sur les deux fronts à partir de juin 1944 montre bien, encore une fois, la part presque exclusive du front russe même après le débarquement des alliés. Du 1er juillet au 31 décembre 1944, pendant cinq mois, lors de la grande offensive soviétique contre le groupe d’armées du Centre, les Allemands perdent chaque mois en moyenne 200.000 soldats. A l’Ouest, au cours de la même période, c’est-à-dire après le débarquement allié en Europe, la moyenne des pertes allemandes s’élève seulement à 8.000 hommes par mois (soit un rapport de 1 à 25).
Quand les alliés débarquent le 6 juin 1944, l'essentiel de la capacité militaire allemande a déjà été anéantie par l'Union soviétique. Elle ne peut plus guère opposer aux troupes alliées qui viennent d’être débarquées en Normandie (150.000 hommes) que 30 divisions, réparties dans un rayon de 250 km autour de la zone de débarquement. Il s’agit de divisions dont la valeur opérationnelle n’a plus grand chose à voir avec celle des 200 divisions qui attaquèrent la Russie en juin 1941, d’unités ramenées à 25% de leurs effectifs de combat, avec peu de matériels, et composées de rescapés du front russe et d’adolescents n’ayant pas connu le feu. En juillet 1944, plus d’un million d’hommes auront été débarqués en France (60 divisions nord-américaines, 18 anglaises, 10 françaises). La seule vraie réaction d’envergure de l’Allemagne sera la contre-offensive des Ardennes de décembre 1944 où elle ne parviendra pourtant qu’a engager... 21 divisions, qui suffiront cependant à stopper la progression américaine, alors que depuis octobre 1944 l’Armée rouge se trouve déjà à 70 km de Rastenburg, QG de Hitler en Prusse Orientale.
Le front ouvert en juin 1944 aura donc eu, militairement, environ neuf mois d’existence contre 47 mois pour le front russe où, là, les combats resteront acharnés jusqu’au tout dernier jour.
L’ouverture d’un second front obligera le Reich à dégarnir le front russe. Mais le front ouest (France, Italie) ne mobilisera jamais plus de 75 divisions allemandes, dont une minorité de divisions combattantes, à comparer aux 220 divisions de la Wehrmacht début 1944, qui subissent les assauts des armées russes. Au plus fort de leur engagement en Europe, à la fin de 1944, c’est-à-dire à la fin d’une guerre déjà gagnée, les Etats-Unis mettront en ligne 90 divisions, à comparer aux 360 divisions de l’Armée rouge qui combattent l’Allemagne nazie depuis 1941.
L’étonnante facilité de la progression des armées nord-américaines en Europe à partir de septembre 1944 ("la chevauchée de Patton"…), le faible niveau des pertes en vies humaines de ces forces, font simplement pendant à la défaite qui a emporté la Wehrmacht sur le front russe. A partir de 1945, l’état-major de la Wehrmacht décide d’opposer une résistance de faible intensité à l’avance des troupes alliées en Allemagne tout en poursuivant une guerre féroce et acharnée contre l’Armée rouge (600.000 soldats soviétiques tués pour la libération de la Pologne, 700.000 autres tués dans les combats pour les pays baltes). Les forces britanniques de Montgomery (20 divisions et 1.500 chars) traversent le Rhin en Hollande à partir du 23 mars 1945 sans rencontrer de résistance sérieuse. On mesure le peu d’opposition rencontrée si on observe que la 9ième armée américaine, qui fournissait la moitié de l’infanterie d’assaut, a eu alors moins de 40 tués.
Ainsi que le souligne P. Miquel, les opérations de l’année 1944 ressortent avant tout d’une volonté de « conquêtes territoriales » (avec des implications majeures concernant le partage politique de l’Europe continentale après le conflit) : la question qui se pose en juin 1944 n’est plus celle de la victoire sur l’Allemagne. Le débarquement allié de juin 1944 n’eut ainsi aucune importance sur l’issue militaire du conflit en Europe (politiquement et économiquement c'est évidemment une autre question).

4- Conclusion

La Seconde Guerre Mondiale en Europe a été, pour l’essentiel, une guerre germano-russe (à 80% si l'on veut). C'est le constat d'un rapport de proportion et non celui d'une valeur donnée à tel ou tel camp.
L’intervention des Etats-Unis en Europe, bien trop tardive pour vraiment peser militairement, a essentiellement une motivation politique et économique. Elle a pour objectif d'empêcher Staline d'occuper toute l’Europe de l’Ouest (si tant est qu'il en ait eu l'intention) : en mai 1945 l’Armée rouge occupe l’Autriche et campe aux portes de l’Italie et de la Suisse.
La contribution militaire étasunienne est négligeable (moins de 3% des pertes alliées en Europe). Elle n'est pas décisive militairement car elle n'a pas pesé dans un résultat final déjà acquis, même si cette contribution a accéléré de quelques mois une victoire de toute façon déjà remportée par l'Union soviétique.

La reconstruction, à partir des années 50 (guerre froide aidant) d'une réalité devenue fantasmée ("les Etats-Unis vainqueurs du Second conflit mondial") et la victoire contre le Japon n'enlèvent rien à ce fait. Pour les Français, s'il faut rendre un hommage, c'est donc d'abord aux soldats soviétiques qu'il faut le rendre puisque c'est leur sacrifice qui a permis le débarquement allié de juin 1944 qui les a "libéré".

En Europe, et comme en 1917, en misant peu, les Etats-Unis ont beaucoup récolté: une gloire usurpée (puissance des représentations), une Europe de l'ouest peu ou prou sous tutelle (la leur), la préservation de leurs débouchés économiques en Europe, l'éviction et le remplacement des positions commerciales mondiales occupées par l'Europe en 1940, et l'imposition du dollar. Enfin, en livrant essentiellement une "guerre de matériels", les Etats-Unis ont réussi à s'extirper de leur grande crise des années 30.
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Pour compléter, voir l'excellent article de notre ami Olivier Berruyer :

[L'enseignement de l'ignorance] Quelle est la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ?

Jean Bricmont : "On vit dans l'illusion de la liberté !"



Jean Bricmont réagit sur l'actualité récente en France à propos de la loi sur le renseignement, la condamnation du révisionniste Vincent Reynouard, le livre de Todd, le clash Fourest/Caron, les aventures statistiques de Ménard... etc



Tous droits réservés : independenza webtv © - Paris (France), jeudi 7 mai 2015. independenza webtv s'entretient avec Jean Bricmont (physicien et essayiste belge) : "On vit dans l'illusion de la liberté !"
contact : independenzatv@gmail.com

Normandie Niemen - Les ailes de la fraternité


Ce film raconte l'histoire du régiment « Normandie Niemen » , formation aérienne de l'armée de l'air Française ayant combattu l'Allemagne nazie au cours de la seconde guerre mondiale sur le front de l'Est de 1943 à 1945.


vendredi 8 mai 2015

Emmanuel Todd répond à Manuel Valls [Vidéo]


Énorme prestation d'Emmanuel Todd chez Bourdin, en réponse au déferlement d'attaques que son dernier livre génialissime (une bombe atomique à lire de toute urgence!) a suscité jusqu'à faire trembler les murs à Matignon...
Un moment d'anthologie à ne pas manquer!



A lire sur le même sujet :

Emmanuel Todd : "Le 11 janvier a été une imposture"

Emmanuel Todd : "Charlie, ce n’était pas la vieille France laïque républicaine"

En défense d'Emmanuel Todd
 

jeudi 7 mai 2015

Pourquoi l'un des principaux experts de politique étrangère russe redoute une guerre majeure avec l'Europe (Partie 1)

Le président russe Vladimir Poutine et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou visitent des exercices militaires à Kirillovsky

L'article qui suit est la transcription d'un entretien réalisé par le journaliste américain Max Fisher, rédacteur en chef du site Vox, publié le 5 mai 2015 avec Fedor Loukianov.
Fedor Loukianov est le rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs et président du Conseil de politique étrangère et de défense russe. Loukianov est l'un des experts de politique étrangère les plus influents et les mieux informés de Russie. Il est largement considéré comme reflétant la position de politique étrangère officielle de l'establishment russe.


Fedor Loukianov à Londres en 2014
Le grand jeu en Europe

Max Fisher: Beaucoup de gens voient une tentative de la part de la Russie de dresser les occidentaux les uns contre les autres comme une stratégie destinée à affaiblir la capacité des États occidentaux à organiser une action contre la Russie.

Fedor Loukianov: Je les entends tout le temps, ces déclarations hystériques selon lesquelles Poutine serait en train de détruire l'Union européenne, d'accentuer les divergences entre les différents pays et de soudoyer les politiciens. C'est juste vice-versa. L'Union européenne est en très grande difficulté, et toutes les divisions y sont internes. Elles ne sont pas créées par Poutine. M. [Viktor] Orban est devenu premier ministre de Hongrie et va peut-être y rester jusqu'à la fin de sa vie, ce n'est pas à cause de Poutine. Il était anti-communiste, et même un anti-russe fervent. Si la Grèce est devenue ce qu'elle est, ce n'est pas à cause de Poutine.

Mais bien sûr, étant donné que c'est un fait qu'il y a des problèmes structurels profonds au sein de l'Union européenne, il est étrange de penser que la Russie ne devrait pas essayer d'utiliser ce fait. Alors, oui, bien sûr, nous pouvons voir de larges efforts systémiques pour encourager ces forces qui peuvent perturber, par exemple, l'unité pour les sanctions. Cela, pour moi, est très légitime.

Comme je le disais, la compréhension de la façon dont les États-Unis fonctionne est très faible ici. Mais avec l'Europe, je pense que la Russie comprend beaucoup mieux comment cela fonctionne et comment elle peut être influencé. Pour stimuler ces éléments destructeurs qui sont déjà là de toute façon - bien sûr. Le problème avec cette stratégie est, en fin de compte, que nous risquons d'augmenter les troubles dans l'UE. Il est difficile d'influencer la prise de décision en encourageant les pays comme la Hongrie, la Grèce ou Chypre, parce qu'ils ne sont pas tenus de rester dans l'Union européenne. Traditionnellement, il y avait deux pays pour décider : la France et l'Allemagne. Maintenant, il y a un seul pays: l'Allemagne. Et cela signifie que plus la Russie aura de succès dans son jeu avec les forces marginales, plus grandes seront les tensions avec le pays clé.

Les relations de la Russie et de l'Allemagne sont dans le pire état depuis je ne sais pas quand, depuis les années 1950 et 1960. Et l'Allemagne est vraiment en train de prendre une position qui était initialement très peu attendue ici. Les dirigeants russes ont sous-estimé le fait que l'Allemagne a commencé à se percevoir comme le leader européen, et le leader européen ne peut pas se permettre d'avoir des négociations difficiles avec la Russie comme il [l'Allemagne] en avait avant.

L'Ostpolitik allemande [la politique de la guerre froide qui consistait à travailler avec le bloc soviétique tout en insistant sur la neutralité de l'Allemagne de l'Ouest] a été traditionnellement définie par les grandes entreprises, qui étaient très intéressées par le marché russe depuis les années 1960. Ils avaient assez d'influence sur le gouvernement pour faire prévaloir leurs intérêts. Ils ont essayé de le faire l'année dernière, ainsi - des entreprises comme Siemens ou E.ON ou des compagnies gazières, des fabricants de machines-outils, ils sont vraiment désireux de garder la Russie. Mais ils ont découvert que pour la première fois, le gouvernement leur a dit de se taire. «Il y a des enjeux beaucoup plus élevés, c'est un beaucoup plus grand enjeu, donc fermez-la." Et ils l'ont fermée. Ainsi maintenant, nous voyons un environnement complètement différent en Allemagne.

La compétition pour l'Allemagne

La chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg en 2013 (OLGA Maltseva / AFP / Getty)

Max Fisher: la politique de l'Allemagne envers la Russie semble beaucoup diviser les allemands. Les sondages d'opinion montrent que de nombreux allemands ne souhaitent pas prendre une telle ligne dure envers la Russie; ils ne veulent pas être autant impliqués dans la crise en Ukraine. Les anciens chanceliers allemands Gerhard Schroeder et Helmut Schmidt ont appelé à une politique qui soit plus coopérative avec la Russie, plus en ligne avec l'Ostpolitik. Quel est le point de vue de Moscou sur ces divisions ?

Fedor Loukianov: Cela a suscité très peu d'intérêt, jusqu'à récemment. Quand l'Allemagne a pris une position [une ligne dure], comme elle l'a fait l'an dernier, les explications [à Moscou] ont été très simplistes. Nous voulions croire que ce changement était entièrement à cause de la pression américaine sur l'Allemagne. J'ai passé deux mois en Allemagne au début de cette année, et je peux dire que la pression américaine est là, bien sûr. Mais en fait, c'est beaucoup plus profond que ça. Il s'agit vraiment du repositionnement de l'Allemagne en tant que la puissance européenne.

Quant à l'opinion publique, c'est un phénomène très intéressant qui mérite d'être étudié en profondeur. D'une part, vous voyez, selon les sondages d'opinion, la perception de Poutine et de la Russie qui est très négative. Plus de soixante-dix pour cent des Allemands considèrent Poutine comme un méchant, que la Russie va dans le mauvais sens, et surtout cette catastrophe de l'avion Malaisien [le vol MH17, qui a été abattu au-dessus de l'Ukraine en Juillet 2014 est pour une large part de l'opinion l'oeuvre de combattants armés par la Russie]. En même temps, si vous parlez aux gens et cherchez plus en détail, le problème n'est pas la Russie - le problème est la méfiance croissante de la population envers la direction politique en Allemagne et en Europe en général.

J'ai eu une conversation très intéressante avec le président [allemand] de la commission de politique étrangère du Bundestag. Sa collaboratrice m'a dit: «Vous savez, il y a un gros problème ici, en Allemagne avec la propagande russe de Poutine qui sape tout." J'étais vraiment surpris de l'entendre, parce que je ne l'avais pas constaté, franchement. Elle disait : "Nous avons reçu beaucoup de courriels critiquant notre président pour ses politiques critiquant la Russie sur l'Ukraine, comme étant trop dures, et ainsi de suite." Je lui ai dit : "Attendez une minute, vous voyez les gens qui le critique comme un produit de la propagande de Poutine?" Elle a répondu, "Oui, bien sûr." Mais ne pensez-vous pas qu'ils pourraient simplement être en désaccord avec lui ? C'est une société démocratique!

Elle était un peu confuse par cela, mais cela montre un problème clé. La population de plus en plus ne fait pas confiance [au leadership de l'Allemagne], pas à cause de la Russie ou de l'Ukraine, mais parce qu'ils ont perdu la compréhension de ce qui se passe dans l'Union européenne. Ceci est un problème profond au niveau de l'intégration de l'Union européenne. Si la propagande de Poutine étaient plus intelligente, cela pourrait être utilisé [en Europe]. "S'ils nous disent tout le temps que la Russie est si mauvaise, c'est peut-être parce qu'en fait il y a quelque chose qui ne va pas chez eux."

L'Ukraine est devenue un phénomène très intéressant parce que d'une part il a consolidé les establishments [en Europe contre la Russie], parce que les establishments voient une menace extérieure, et une menace extérieure est toujours une bonne chose pour faire avancer certaines politiques. Dans le même temps, la plupart des citoyens - en Allemagne, sans même parler de l'Europe du Sud, où ils ne se soucient pas de l'Ukraine du tout - ils ne comprennent pas; ils se demandent : "Pourquoi devrions-nous souffrir pour cela?" Les contre-sanctions russes ont frappé certaines régions [au niveau économique]. Les gens demandent: «Pourquoi devrions-nous souffrir pour quelque chose que nous ne voulons pas?" (...)
(suite à lire dans la partie 2)

Source : VOX
(Trad : Bertrand)

Une autre partie de l'entretien (au sujet des relations Russie-US) traduite par le site Dedefensa :

Interview de Fédor Loukianov : “Hillary est la pire option”