L'histoire de la petite fille qui avait crié au loup...
Elle était née en Belgique, et avait publié en 1997 Survivre avec les loups, « l'incroyable histoire d'une rescapée de la Shoah ».
L'auteure, Misha Defonseca, alias Monique Ernestine Josephine De Wael,
racontait comment elle avait vécu avec une meute de loups, en 1941,
traversant quelque 3000 km pour retrouver ses parents. Un témoignage
poignant, mais qui n'avait pas un seul mot de vrai. En 2008, la vérité
explosait : « Je me suis raconté une vie, une autre vie. Je demande pardon. »
La vérité avait un goût amer, pour les
milliers de lecteurs qui avaient fait confiance à l'auteure, qui
reconnaissait son mensonge : « Ce livre, cette histoire,
c'est la mienne. Elle n'est pas la réalité réelle, mais elle a été ma
réalité, ma manière de survivre. » L'affaire était alors rapidement
partie en justice, pour un livre traduit en 18 langues, véritable
best-seller mondial, pour lequel... Misha n'avait pas perçu un seul
dollar de ses droits d'auteur. Ainsi, alors que l'imposture était
découverte, l'auteure réclamait 32,5 millions $ à la maison d'édition.
22,5 millions lui seraient revenus, et 10 millions iraient alors à Vera
Lee, le nègre de l'histoire.
Une procédure s'engage dès 1998, entre l'auteure et
l'éditrice. En 2001, la Cour supérieure de Middlesex County avait
constaté que Mt Ivy avait « violé le contrat conclu avec l'auteure.
En effet, Mt. Ivy Press a notamment caché des droits d'auteur qui
étaient dus à Mme Defonseca dans des comptes à l'extérieur du pays. La
maison d'édition l'a également induite en erreur quant aux capacités de
Mt. Ivy et sur la façon dont le livre serait commercialisé aux
États-Unis. »
A l'époque, tout le monde est encore convaincu de
l'authenticité du récit, et en 2005, le tribunal de Boston conclut que
Jane Daniel, l'éditrice, et Mt Ivy Press, devraient verser ce qu'ils
devaient. C'était un jugement en appel, et le problème, c'est qu'à
l'occasion de ces discussions, plusieurs incohérences dans le récit ont
été soulevées.
Des experts ont été sollicités, journalistes,
généalogistes, jusqu'à l'éditrice elle-même qui commence à douter d'un
récit qu'elle avait commandé. On découvre même que l'auteure n'est pas
juive d'origine et en 2008, toute la vérité éclate. Elle admet alors que
ses parents ont été arrêtés par les Allemands et que c'est son
grand-père et son oncle qui l'ont recueillie, alors qu'elle avait quatre
ans. Une famille adoptive qui la traitera plutôt mal, au point de la
qualifier de fille de traîtres, du fait du rôle de ses parents dans la
résistance. C'est à cette époque qu'elle commença à s'inventer une
existence.
Des dizaines d'années plus tard, l'éditrice entend, dans
une synagogue du Massachusetts, l'histoire de cette jeune fille qui a
échappé aux Allemands, en vivant avec les loups. Jane Daniel demande
alors que Misha écrive son récit, secondée par un nègre. Aujourd'hui,
l'auteure reconnaît qu'il lui est « difficile de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui faisait partie de mon imagination ».
Arrivée en 2012, la Cour supérieure conclut que l'auteure a commis une faute : «
Les lecteurs ont cru quand ils ont acheté le livre qu'il s'agissait
d'une autobiographie, ce que le livre prétendait être. Ces lecteurs ont
été trompés, et leur argent a été volé par Defonseca. ». Dès lors,
le verdict initial était annulé, mais en regard du montant, il n'était
pas possible que l'affaire s'arrête à cette conclusion, pour Misha.
Le 29 avril dernier, le juge Marc Kantrowitz a
définitivement coupé court aux procédures, rapporte l'Associated Press.
Le dernier chapitre de cette grande affabulation s'arrête. Pour lui, ce
sera « le troisième et j'espère le dernier » avis sur la
question. Et il condamne l'auteure à rembourser les sommes qu'elle a
perçues. Un remboursement qui intervient 17 années plus tard.
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