Le Havre en 1944, après le passage de l'aviation alliée |
Près de 57.000 morts, 74.000 blessés, 300.000 logements détruits: du 13 juin 1940 à Dunkerque au 15 avril 1945 à Royan, les bombardiers alliés déversèrent 518.000 tonnes de bombes sur la France pour tenter de détruire le dispositif militaire allemand.
Le documentaire "La France sous les bombes alliées 1940-1945", diffusé lundi à 20H45 sur France 3 dans le cadre d'une soirée "Histoire immédiate", raconte ce drame oublié.
Le film de 90 minutes de Catherine Monfajon mêle images d'époque et témoignages bouleversants d'hommes et de femmes, alors enfants, qui ont vécu ces bombardements britanniques et américains à Rouen, au Havre, à Saint-Etienne ou à Nantes.
Le conseiller historique du film est Andrew Knapp, historien britannique de l'université de Reading (Royaume-Uni) auteur du livre "Les Français sous les bombes alliées 1940-1945" (Tallandier, 592 pages, 23,90 euros) paru en mars.
A la lumière des archives municipales françaises et militaires britanniques, ce spécialiste des stratégies aériennes de la Seconde Guerre mondiale se demande notamment si les deux grands Alliés ont tout fait pour éviter ces dizaines de milliers de morts.
Bases de sous-marins de la Kriegsmarine sur le littoral français, usines d'armements et de véhicules travaillant pour les Allemands, gares de triage: les "forteresses volantes" B17 et les Lancaster visaient ces objectifs stratégiques pour casser les armées du IIIe Reich. Près du quart des bombes alors larguées par les Alliés sur le continent frappèrent la France.
Des bombardements, souvent à haute altitude (plus de 6.000 mètres), qui manquèrent fréquemment leurs cibles, tombant deux ou trois kilomètres plus loin.
- "Cette nécessité est horrible" -
Ainsi en mars 1942, le bombardement des usines Renault à Boulogne-Billancourt fit 371 morts, dont 56 enfants, notamment au Vésinet. En septembre 1943, deux raids successifs visent la zone portuaire de Nantes. Bilan 1.300 morts.
Début 1944, les Alliés lancent le "Transportation Plan" pour assurer le succès du débarquement prévu en Normandie en juin. Ce plan vise à retarder l'acheminement des divisions blindées allemandes vers l'ouest par des bombardements intensifs des gares de triage et autres infrastructures ferroviaires et des grands carrefours routiers à l'époque situés en pleine ville.
Là encore, l'opération est meurtrière pour les civils au point que Winston Churchill demande en avril au général d'armée aérienne Arthur Tedder de "garder les limites fixées" à 6.000 pour les civils tués par les bombardements. Avant de lui demander deux mois plus tard: "Combien de Français avez-vous tué?".
A Londres, les représentants de la France Libre protestent. En France, un responsable local de la Résistance refuse de désigner des cibles allemandes aux aviateurs alliés par crainte de nouvelles pertes civiles.
En France occupée, la propagande de Vichy se déchaine. Une affiche porte en lettres noires: "Lâches, la France n'oubliera pas". Philippe Henriot, le chantre de la collaboration, dénonce sur les ondes de Radio Paris ces bombardements.
Depuis Londres, le service français de la BBC tente, dans une émission du 26 avril 1944, de les justifier: "Cette nécessité est horrible. Sans doute jamais dans l'Histoire aucun allié n'a-t-il dû infliger des blessures aussi sanglantes et aussi pénibles à un autre peuple allié et ami".
Pourtant, durant l'Occupation, 3.000 aviateurs alliés abattus au dessus de la France furent recueillis, cachés et exfiltrés par ces Français qu'ils venaient de bombarder.
Le journaliste Jacques Duquesne, qui enfant avait vécu les bombardements de Dunkerque, conclut: "Les Français se sont empressés d'oublier tout ça après la guerre".
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