dimanche 9 octobre 2016

Guerre contre la Syrie : les deux parties se dirigent vers un plan B


Les forces syriennes reprennent le quartier d'Auedzha, une zone industrielle du nord-est d'Alep, le 8 octobre 2016.

Par The Saker – Le 30 septembre 2016 – Source The Saker

Compte tenu de l’échec total de la politique étasunienne de changement de régime en Syrie et de renversement d’Assad, il est temps maintenant pour les États-Unis de procéder à un choix fondamental : négocier ou doubler la mise.

Apparemment, Kerry et d’autres ont tenté au départ de négocier, mais le Pentagone en a décidé autrement, il a traîtreusement brisé les termes de l’accord et a bombardé (illégalement) les forces armées syriennes. À ce moment-là, Kerry et [Samantha] Power et tous les autres se sont sentis comme s’ils n’avaient pas d’autre choix que de se «joindre» au Pentagone et doubler la mise. Aujourd’hui, les États-Unis avertissent la Russie que si l’offensive d’Alep se poursuit, ils ne reprendront pas les négociations. C’est une menace assez bizarre si on considère que les États-Unis sont clairement incapables de respecter tout accord et que les Russes ont déjà conclu qu’ils sont «incapables de passer un accord». La réaction russe était prévisible : Lavrov a admis qu’il n’a même pas pris ses collègues américains au sérieux.

Okay, ainsi les deux côtés en ont plus qu’assez l’un de l’autre. Que va-t-il se passer maintenant ?



Progression des troupes régulières syriennes dans les quartiers Est et N-E d'Alep

Les États-Unis enverront plus d’armes à Daech, y compris des MANPAD, des TOW et des Javelins. L’effet sera marginal. Les avions russes à voilure fixe volent à plus de 5 000 mètres, là où ils sont hors d’atteinte des MANPAD. Ils sont actuellement le principal fournisseur de soutien à la puissance de feu des Syriens. Les hélicoptères de combat russes, probablement pas à l’abri des MANPAD, sont cependant très résistants à de telles attaques en raison de trois facteurs, leur capacité de survie, le polygone de tir aérien et la tactique : les Mi-28 et les Ka-52 ont des missiles d’une portée maximale de 10 km et la manière dont ils sont généralement engagés est une sorte de rotation, où un hélicoptère vole pour avoir la cible, tire, fait immédiatement demi-tour puis est remplacé par le suivant. De cette manière, tous se protègent les uns les autres tout en présentant une cible très difficile à frapper. Les hélicoptères de transport russes courraient cependant un risque beaucoup plus grand d’être abattus par un MANPAD américain. Donc oui, si les États-Unis inondent le théâtre de guerre syrien avec des MANPAD, l’aviation syrienne et les hélicoptères de transport russes seront en danger, mais cela ne sera pas suffisant pour affecter significativement les opérations russes ou syriennes.



Les conséquences d'une attaque des "rebelles modérés" sur un quartier d'Alep uniquement occupé par des civils. NON VISIBLE A LA TV FRANÇAISE - ATTENTION IMAGES DURES 18+

Les options russes pour pratiquer une escalade sont beaucoup plus diverses : la Russie peut envoyer plus de blindés T-90 (que les TOW, apparemment, ne peuvent pas vaincre), plus d’artillerie (en particulier des lance-roquettes multiples modernes et des systèmes de lance-flammes lourds comme le TOS-1). Les forces aérospatiales russes peuvent aussi décider de s’engager dans des frappes beaucoup plus lourdes incluant l’usage d’armes à sous-munitions et thermobariques. Enfin, la Russie pourrait envoyer des forces terrestres effectives allant de quelques bataillons à, théoriquement, une brigade complète. Le problème avec cette option est que cela signerait un accroissement important de l’engagement des forces russes dans cette guerre, quelque chose auquel beaucoup de Russes s’opposeraient. Pourtant, puisque les Iraniens et en particulier le Hezbollah ont été utilisés comme une brigade de pompiers pour «boucher» les trous dans le front créés par plusieurs défaites d’unités de l’Armée syrienne, il n’est pas impossible que les Russes engagent un groupe tactique du bataillon interarmes sur un secteur essentiel du front puis le retirent aussitôt que possible. Le but de cette stratégie serait double : soutenir les combattants syriens avec autant de puissance de feu que possible tout en saignant en même temps, lentement mais sûrement, les forces de Daech jusqu’à atteindre le point de rupture. Fondamentalement, la même stratégie qu’avant le cessez-le-feu.



Dans cette vidéo, vous pouvez voir les "rebelles" soutenus par les occidentaux tirer des obus de divers calibres et leurs meurtrières "bonbonnes de l'Enfer" sur les quartiers d'Alep qui ne sont pas sous leur contrôle, peu importe si aucun militaire syrien ne s'y trouve... (Voir les conséquences dans la vidéo précédente) (ATTENTION IMAGES DURES 18+)

Donc pourquoi les Russes ont-ils d’abord accepté ce cessez-le-feu ?

À cause de la longue tradition qui veut qu’un mauvais cessez-le-feu vaut mieux qu’une bonne guerre, parce que la Russie s’efforce vraiment de ne pas faire monter la confrontation avec les États-Unis et parce que que la Russie pense que le temps joue en sa faveur. Je suis à peu près sûr que l’armée russe aurait préféré faire sans ce cessez-le-feu, mais je suis également sûr qu’elle était aussi d’accord d’essayer et de voir. C’est la vieille contradiction : les Occidentaux veulent aussi des résultats maintenant, tandis que les Russes prennent toujours leur temps et bougent très lentement. C’est pourquoi, pour un public occidental, le Kremlin sous Poutine est toujours «en retard» ou «hésitant» ou en tous cas frustrant, dans ce qui apparaît presque comme un manque de but et de détermination. Là où cette attitude typiquement russe devient un problème, c’est lorsqu’elle laisse penser aux dirigeants de l’État profond américain que la Russie n’est pas seulement hésitante, mais qu’elle a éventuellement peur. D’une manière perverse, le manque de «démonstration de force» de la Russie risque de donner aux Américains l’impression que «les Russkofs ont cillé». Je suis toujours très étonné lorsque je vois les réactions occidentales au langage diplomatique doux utilisé par les diplomates russes. Là où les Américains comparent ouvertement Poutine à Hitler et demandent l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne (totalement illégale) sur la Syrie, les Russes répondent avec «mon ami John» et «nos partenaires» et «les négociations doivent se poursuivre». Plus souvent qu’autrement, lorsque les Américains entendent le langage diplomatique des Russes, ils le prennent pour de la faiblesse et ils se sentent encore plus enhardis et ils font encore plus de menaces. C’est en partie pour cette raison que la Russie et les États-Unis sont, encore une fois, sur une trajectoire de collision. (...)

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