NB : Ceci est la transcription de la vidéo disponible en fin d'article
Nikolaï Viktorovitch*, quelle est votre vision politique quant à l’avenir de la Novorussie ? Car pour le moment elle n’est reconnue officiellement que par la Tchétchénie et encore un ou deux Etats étrangers. Aussi, quelles seraient les conséquences de la sortie de l’Ukraine de la CEI vu qu’elle fait partie de ses trois Etats fondateurs ?
La question est formulée de manière quelque peu paradoxale. La Tchétchénie fait partie intégrante de la Russie, et je suis absolument convaincu qu’il en sera toujours ainsi. C’est premièrement. Deuxièmement, la République Tchétchène n’a reconnu aucun Etat étranger et, d’ailleurs, elle ne peut pas le faire suivant la Constitution de la Fédération de la Russie, puisque sa politique extérieure est régie par le centre fédéral et il est le seul à pouvoir reconnaître ou ne pas reconnaître qui que ce soit.
Par contre, accorder une aide, un soutien… Des volontaires de Tchétchénie peuvent-ils s’y trouver ? Evidemment, ils peuvent. Nous sommes dans un pays libre. Si quelqu’un veut aller au Donbass, nous n’allons tout de même pas l’attacher avec des cordes ! Bien sûr que non.
En conséquence, aujourd’hui la RPD et la RPL ont été reconnues, si je ne me trompe pas, uniquement par l’Ossétie du Sud. Aujourd’hui, la reconnaissance internationale diplomatique reste bien de cet ordre là.
Ainsi, pour comprendre ce qui va se passer par la suite…je voudrais proposer de laisser de côté nos émotions. Car on va parler des choses très sérieuses, et les émotions ne feront que nous brouiller.
Si vous permettez, je vais vous emprunter votre stylo, ce serait plus simple pour dessiner.
Que font nos adversaires géopolitiques durant plusieurs siècles ? Ils ont une certaine méthode.
Regardez.
L’année 1949. L’Inde. Nos partenaires britanniques, grâce à la victoire de l’Union Soviétique dans la 2e Guerre Mondiale, se font évincer de l’Inde. Il est clair que le peuple indien luttait aussi pour son indépendance. Mais il aurait lutté pendant encore 150 années, si les chars soviétiques n’étaient pas rentrés à Berlin et, chose bien plus importante encore, si les chars soviétiques n’étaient pas rentrés en Corée du Nord et n’étaient pas devenus présents directement dans cette région-là.
Dans une telle situation, les Anglais et tous les autres impérialistes ont eu besoin de montrer qu’ils sont pour la liberté, pour l’égalité, pour la fraternité. Et pour ce faire ils devaient quitter l’Inde. Que font-ils en partant ? Ils divisent ce pays en deux parties. Ainsi, le Pakistan est créé. Pour ceux qui ne savent pas, jamais de la vie, aucun Pakistan n’avait existé. C’est un Etat qui a été créé de manière artificielle, le nom a été inventé par les étudiants hindous qui faisaient leurs études à Londres. Tout comme d’habitude : à Londres.
Ainsi le pays est divisé selon le principe religieux : ceux qui sont bouddhistes… pardon, nos pas bouddhistes, hindouistes devaient aller en Inde, et ceux qui sont musulmans devaient aller au Pakistan. Ainsi, des populations se mélangeaient, provoquant des tragédies…
Qu’est-ce qui se fait en réalité ? Il y a l’Inde… alors, on crée une anti-Inde sous le nom du Pakistan. En perdant le contrôle d’un territoire, ils créent un anti-territoire. Une antithèse. Et ensuite, ils les lâchent comme des chiens les uns contre les autres. Ils soutiennent des groupements terroristes, provoquent des guerres…Vous voyez par vous-même, au Pakistan ce genre de choses existe jusqu’) nos jours. En Inde pareil, des terroristes… des combattants pour la séparation des quelconques Etats… Tout cela est mis en place par ceux qui en sont partis.
J’insiste bien, en perdant le contrôle d’un territoire, ils créent un anti-territoire. Inde – anti-Inde.
La même année 49. La Chine. Une guerre civile il y a lieu depuis 1946. En 45 on en a chassé les Japonais, on est resté un an à discuter et on s’est mis à faire la guerre. De 46 à 49, trois ans de guerre civile. L’Union Soviétique soutient Mao Zedong, l’Occident soutient Chiang Kaï-chek. C’est Mao Zedong qui remporte la victoire. Que font les Américains et l’Occident ?
Ils créent une anti-Chine. Ils évacuent les restes des troupes de Chiang Kaï-chek, les couvrent avec leur flotte et créent le Taïwan… Sur l’île de Formose. Chine – anti-Chine.
On peut citer bien d’autres exemples historiques, mais on ne va pas s’écarter maintenant.
L’année 2011, la Russie. Que font-ils ?
La Russie… La place Bolotnaïa (NDT: le lieu symbolisant des émeutes massives à Moscou et l’utilisation de la force contre des représentants des autorités)… Navalny (NDT : un des leaders de place Bolotnaïa, considéré à l’Occident comme un prisonnier politique)… Des rubans blancs (NDT : les rubans blancs distribués aux manifestants place Bolotnaya symbolisaient l’union des différents partis et mouvements politiques dans leur combat pour les élections honnêtes)… Vacillations et désarroi dans pratiquement tous les partis parlementaires… La Russie est au bord d’un coup d’Etat…
Tout s’est bien terminé. Poutine est devenu président. Ils ont perdu le contrôle de la Russie. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils créent une anti-Russie. Ils créent une antithèse. Où ça ? En Ukraine. C’est-à-diren dès que Poutine est devenu président, ils ont compris qu’ils n’arriveraient pas à provoquer une explosion interne, ils ont mis le cap sur la création d’une anti-Russie, d’une antithèse, en Ukraine. Mais, comme ils ont une économie planifiée, malgré qu’ils soient pour la main invisible du marché… Pourtant il est bien connu que derrière la main invisible du marché doit aussi se trouver un poing invisible.
Et c’est avec ce poing-là qu’ils s’apprêtaient à frapper l’Ukraine vers 2015 où il devait y avoir des élections… planifiées au printemps. Là, c’est nous qui avons accéléré le processus… en automne Ianoukovytch n’a pas signé cet accord… tout a chamboulé… un coup d’Etat… Voilà pourquoi ils ont fait un coup d’Etat aussi sanglant, en violant la constitution… Ils avaient besoin de créer une antithèse.
Aussitôt des cris se sont fait entendre que c’est de la faute à la Russie…
Quelles sont les perspectives ?
Les perspectives s’entrevoient justement de toutes ces variantes précédentes.
On créé une antithèse. On commence à l’armer, à la remplir du fric… Et en perspective, on provoque un affrontement. L’Ukraine est plus faible ? Evidemment, elle l’est. Mais elle n’est pas, non plus, un Luxembourg minuscule. Vous m’excuserez, mais il y a plus de 40 millions d’habitants. Si on les arme bien, si on les excite bien… cela peut donner un superbe – pour nos partenaires américains – conflit.
Le plus important qu’il faut comprendre, c’est qu’ils n’ont nullement besoin que l’Ukraine gagne. Il leur faut qu’une guerre éclate.
Et pour les Américains, plus il y a des Ukrainiens qui vont périr, plus il y a des Russes, c’est exactement ce dont ils ont besoin.
Voilà ce qu’ils s’apprêtent à faire.
Dans une telle situation, comment la Russie peut éviter un tel déroulement des évènements ?
Ca c’est l’Ukraine. Et en Ukraine, des forces apparaissent qui déclarent ne pas être d’accord avec un tel déroulement des évènements. C’est là que se créent la RPD et la RPL. Il se crée, si vous voulez, une anti-anti-Russie. S’ils ont fait une anti-Russie de l’Ukraine, alors la RPD et la RPL c’est une anti-anti-Russie.
Le schéma est le même.
Mais ça se crée de lui-même. Voilà ce qui est important.
Nous apportons notre soutien. Pourquoi ? Tant que la RPD et la RPL se trouvent là, elles accrochent l’Ukraine pour l’empêcher à mettre en œuvre ce scénario. Tant que les gens du Donbass luttent pour défendre leur droit à avoir leur propre vision du développement de l’Ukraine, la guerre entre l’Ukraine et la Russie est impossible !
J’attire votre attention que c’est ainsi que les choses se déroulent :
- le pouvoir kiévien hurle que la Russie a attaqué,
- que la Russie est un agresseur,
- qu’il y a une armée russe…
- elle ne déclare pas l’état de guerre supposant l’introduction d’une loi martiale,
- elle ne rompt pas les relations diplomatiques…
Voilà ce que cela veut dire.
Maintenant, quelques conclusions qui en découlent.
J’insiste une fois de plus, faisons l’impasse sur nos émotions.
Il faut comprendre, si on n’entrave d’aucune façon les projets des Etat Unis de créer une anti-Russie en Ukraine, les Américains la lâcheront obligatoirement contre la Russie. Obligatoirement. Ce qui, avec une offensive simultanée de l’EIIL au travers Afghanistan et le Moyen Orient, conduira à une guerre sur deux fronts. La même chose qu’on nous a été faite dans les années 30, lorsque d’un côté avançait le Japon, au travers la Chine, la Mongolie, et de l’autre côté on amenait Hitler à nos frontières. La Pologne, jusqu’au tout dernier moment aurait dû être non pas son ennemi, mais son alliée dans sa campagne moscovite… Mais comme on dit, l’homme propose… bref…
Ce pourquoi n’importe quel… On aime parler de la trahison de la RPD et de la RPL… Si vous trahissez la RPD et la RPL et qu’on arrive à liquider la résistance militairement, le projet américain entre en jeu.
Si Donetsk et Lougansk tombent, cela voudrait dire, à terme je pense de quelques 5 ans, une agression contre la Russie. Ou une autre sorte de conflit qu’on organisera obligatoirement là-bas… Le prétexte existe. On dira : “Il faut qu’on récupère la Crimée”. Les nazis le diront. Et l’Occident les y soutiendra. Ils ont un casus belli.
Ainsi, la Russie, compte tenu de ses propres intérêts… On met de côté ce qui est propre à notre civilisation : le soutien des faibles, des compatriotes, les Russes ne laissent pas tomber les siens… Tout cela, on le met purement et simplement de côté. Rien que du pragmatisme tout nu. Mais il en découle que la Russie ne peut pas laisser à leur triste sort Donetsk et Lougansk.
Maintenant, un autre point important. La Russie peut-elle reconnaître l’indépendance de ce territoire ?
Une fois de plus, on fait l’impasse sur nos émotions.
Si cela arrive, on retrouve le même schéma. Ceci est coupé, c’est un Etat séparé, on saura quoi faire d’eux après. Mais d’abord on récupère la Crimée. D’abord, on va frapper celui qui est à l’origine de tous nos maux. Ainsi, dès que la RPD et la RPL se séparent de l’Ukraine, tout ce schéma américain se remet en marche. Ce pourquoi… je risque de dire là une chose non populaire… pour les intérêts de la Russie, du Monde Russe dans son intégralité, car nous avons tous les mêmes intérêts… ce territoire doit continuer à faire partie de l’Ukraine. C’est un poids accroché à la jambe de l’Ukraine qui empêche de l’entrainer dans la guerre contre la Russie. C’est de là que viennent les déclarations de notre ministre des affaires étrangères, qui dit que la Russie est pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine… pour que Donetsk et Lougansk… c’est de là que viennent notre désir de les réunir tous autour d’une même table.
Puisqu’en réalité les choses ne vont pas si bien que ça chez les Américains avec leur économie. Et dans l’état actuel des choses, nous devons aider Donetsk et Lougansk… Combien sont-ils ? Deux-trois millions ? Et les Américains devonts aider tout le reste de l’Ukraine. Cela fait 40 millions. Voilà de quoi il s’agit.
Lorsque vous comprenez quelles sont les règles que suit le jeu géopolitique, vous comprenez ce qui est permis de faire, et ce qui ne l’est pas. Les têtes brûlées présentes dans notre front patriotique ne le comprennent pas. C’est ça qui fait la différence entre un chef d’une unité qui doit s’emparer, je ne sais pas, d’une quelconque hauteur… il doit et c’est tout… et il y va… Et un stratège qui doit remporter toute la guerre. Et non seulement s’emparer de cette hauteur.
Et dans la situation d’aujourd’hui, la RPD et la RPL combattent non seulement pour leur propre liberté. Ils combattent pour la vie des 40 millions d’Ukrainiens qui ne comprennent pas que si la RPD et la RPL tombent, on les entrainera dans une guerre contre la Russie. Et des victimes se compteront par centaines de milliers, si ce n’est par millions. Aujourd’hui, on combat à Donetsk et à Lougansk pour le Monde Russe dans son intégralité. Et pour l’Ukraine, et pour la Russie.
De cette façon, il ne peut absolument pas y avoir question d’une quelconque trahison. Cela reviendrait à trahir soi-même.
De même que ne pas réunifier la Crimée avec la Russie, cela aurait signifié qu’une Maïdan dans 2-3 mois serait éclaté à Moscou. Voilà de quoi il s’agit.
Ainsi, à chaque fois que nous voulons comprendre les actions des joueurs en géopolitique, il faut faire l’impasse sur nos émotions. Loukachenko est venu à Kiev, d’abord on fait l’impasse sur nos émotions, ensuite on se met à évaluer le pourquoi du comment. Loukachenko a parlé du dollar, on fait l’impasse sur nos émotions et on évalue les actes.
Pourquoi telle ou autre chose se passe à Donetsk et à Lougansk ? Si vous essayez de le comprendre à travers la sphère émotionnelle, cela ne conduira à rien de bon.
* Nikolaï Starikov est un écrivain russe, journaliste et analyste politique, co-président du Parti de la Grande Patrie et de sa filiale ONG “Union des citoyens russes”.
La vidéo originale, non sous-titrée:
Source : Novorossia Today
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