vendredi 13 mai 2016

Sergueï Lavrov à propos des négociations sur l'Ukraine, le 11 Mai 2016



Allocution et réponses aux journalistes de Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, en conférence de presse après un nouveau cycle de négociations entre les ministres des Affaires étrangères du Format Normandie, Berlin, 11 mai 2016 :




Transcription :

Les ministres des Affaires étrangères du Format Normandie (Russie, Allemagne, France, Ukraine) viennent de terminer leurs pourparlers. Ils ont été longs, très concrets et assez complexes. Nous voulons tous que les accords conclus entre les dirigeants de nos quatre pays à Minsk le 12 février 2015 soient remplis, et ce dans tous les domaines: la sécurité, le retrait des armements, l'aide humanitaire, le rétablissement économique et la reprise des contacts sur la plus importante des questions – le règlement politique du conflit. Nous disposons d'un ensemble d'accords qui concernent la sécurité, le respect du cessez-le-feu, le retrait des armements, ainsi que le renforcement du contrôle des armes stockées dans les entrepôts - pour qu'elles n'en disparaissent pas. Nous demandons avant tout au Groupe de contact de s'en charger, car le Format Normandie, je le rappelle, a pour mission de surveiller comment le Groupe de contact étudie et règle les questions soulevées dans les Accords de Minsk. Le Groupe de contact dispose également d'un sous-groupe dédié aux questions de sécurité, qui examinera les idées concrètes que nous avons proposées en collaboration avec la Mission spéciale d'observation (MSO) de l'OSCE.

Une décision très importante a été prise aujourd'hui: nous avons réaffirmé la nécessité de faire adhérer à ce processus le Centre conjoint de coordination et de contrôle chargé de veiller au respect du cessez-le-feu. Créé il y a longtemps à la demande du Président ukrainien Petro Porochenko, il a mené à un travail commun des officiers russes et ukrainiens dans la zone du conflit pour consolider les processus qui contribuent à la désescalade de la situation.

Nous avons aussi accordé beaucoup de temps aux aspects politiques des Accords de Minsk. Le principal résultat de ces discussions est la confirmation que tous ces problèmes sont interdépendants et ne pourront être réglés qu'en tenant compte de ce facteur. Cela concerne les élections locales dans le Donbass, la nécessité d'adopter en Ukraine la loi sur le statut particulier du Donbass, le reflet de ce statut dans la Constitution ukrainienne et, évidemment, l'amnistie - car il est impossible d'organiser les élections et de régler le conflit sans assurer une réconciliation nationale. Nous n'avons pas réussi à avancer concrètement sur ces problèmes car conformément aux Accords de Minsk, ils doivent être tous réglés dans le cadre d'un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk. Néanmoins, je pense que la confirmation de l'interdépendance entre tous les éléments du processus de paix est un résultat très important, comme je viens de le dire.

Nous avons également évoqué le blocus économique du Donbass, les problèmes liés au versement des prestations sociales et des retraites, ainsi que celui de la mise à disposition des services bancaires dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Nous nous souvenons que la France et l'Allemagne s'étaient engagées, à Minsk, à aider à régler ce problème concret des services bancaires. J'espère que nos partenaires vont être plus actifs en la matière.

Au sujet de l'aide humanitaire, hormis les problèmes d'acheminement et de prise en compte des besoins de la population, nous avons également évoqué la question de l'échange de prisonniers. Le principe de "tous contre tous" est fixé dans les Accords de Minsk. Nous y sommes attachés. Mais les relations sont très tendues, comme on l'a vu ces derniers temps quand la "trêve de Pâques" a été enfreinte: nous devons donc régler cette question dans un contexte très émotionnel. Néanmoins, nous y sommes attachés. Nous avons convenu de poursuivre les efforts pour mettre en œuvre tous les aspects des Accords de Minsk à part entière. Nous avons demandé à nos collègues ukrainiens, via le Ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavel Klimkine, que la partie ukrainienne ne se dérobe pas à ses engagements. La partie russe fera en sorte que notre influence sur Donetsk et Lougansk contribue à ce qu'ils tiennent leurs engagements.

Pour l'instant, malheureusement, ma conclusion est la suivante: la partie ukrainienne avance périodiquement de nouveaux prétextes pour reporter la mise en œuvre des plus importants accords avant la mise au point de tous les aspects politiques du processus de paix.

Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé du fait que les élections ne pouvaient pas être organisées tant qu'une sécurité totale n'était pas assurée dans cette région. Nous avons échangé des avis intéressants. Je pense que la France et l'Allemagne ont conscience de la nécessité de ne pas transformer le thème de la sécurité pendant les élections en histoire insurmontable. Il me semble que nous avons réussi à faire entendre notre point de vue auprès de nos partenaires.

Bien sûr, nous avons également attiré l'attention sur les propositions faites par Donetsk et Lougansk au sein du Groupe de contact, ainsi que sur celles des participants russes à ce Groupe. Les réunions des sous-groupes de travail devraient reprendre prochainement à Minsk. Je pense que les signaux que nous enverrons aujourd'hui de Berlin contribueront à aller de l'avant.

Nous rendrons compte aujourd'hui à nos dirigeants des résultats de la réunion – aux présidents de la Russie, de la France, de l'Ukraine et à la Chancelière allemande – car nous nous sommes rencontrés à leur demande. Ils décideront ensuite quelles démarches supplémentaires devront être entreprises.

Question: Avez-vous évoqué l'envoi d'une mission policière de l'OSCE dans le Donbass?

Sergueï Lavrov:
En ce qui concerne la sécurité pendant les élections, j'ai déjà dit que nous avions accordé beaucoup de temps à ce sujet pendant notre entretien. Nos collègues ukrainiens veulent envoyer dans la région une sorte de mission militarisée et se justifient en disant qu'il serait impossible, sinon, de mener une campagne électorale libre. Je trouve que c'est un problème artificiel. Nous sommes persuadés qu'il est parfaitement possible d'assurer la sécurité pendant les élections sans l'intervention d'une structure militarisée. Les observateurs de l'OSCE seront présents – cela fait partie des Accords de Minsk et a été confirmé par Donetsk et Lougansk. Le plus important aujourd'hui est d'aborder directement toutes les questions relatives aux élections au sein du sous-groupe politique du Groupe de contact. Je rappelle que le paragraphe 12 des Accords de Minsk stipule clairement que tout ce qui concerne les élections doit être évoqué et convenu entre Kiev, Donetsk et Lougansk directement.

Question: Le Vice-ministre russe des Affaires étrangères Grigori Karassine disait que la Russie avait proposé un ensemble de propositions pour cette réunion. Certaines ont été exprimées. Reste-t-il des propositions sur lesquelles il a été impossible de s'entendre?

Sergueï Lavrov: Pour des raisons évidentes, je ne vais pas expliquer en détail ce que nous proposons car les négociations sont en cours et que nous ne sommes pas une partie du conflit. Par l'intermédiaire du processus de Normandie et du Groupe de contact de Minsk nous cherchons à aider Kiev, Donetsk et Lougansk à trouver des accords mutuellement acceptables, car c'est précisément ce que stipulent les Accords de Minsk. Je le répète: pour l'instant, malheureusement, nous ne constatons pas de la part de Kiev la volonté d'entrer dans un tel dialogue direct. Nos collègues ukrainiens cherchent à sortir de nombreuses questions du cadre du Groupe de contact, or ce dernier est l'unique structure où sont représentés le gouvernement ukrainien, Donetsk et Lougansk. C'est dans ce groupe qu'il faut régler toutes les questions. C'est pourquoi nos idées concernant les élections, la réforme constitutionnelle, l'amnistie ou le statut spécial du Donbass sont seulement notre contribution au processus, qui, in fine, doit se dérouler directement entre les parties en conflit.

Question:
D'après vous, est-il encore possible que des élections soient organisées dans le Donbass avant le second semestre 2016?

Sergueï Lavrov: Je ne vais pas me perdre en conjectures. Quand le Format Normandie s'est réuni au niveau ministériel à Paris début mars, nous avons dit que ce délai nous semblait préférable. A l'époque, nos collègues ukrainiens n'étaient pas d'accord.

Tout dépendra du règlement des questions prescrites dans les Accords de Minsk par le Groupe de contact. Il faut adopter une loi sur les élections en concertation avec Donetsk et Lougansk; dans le même temps il faut prendre une décision sur le statut particulier du Donbass, aussi bien sous la forme d'une loi à part que d'un amendement à la Constitution; et, bien sûr, aucune élection n'est possible avant l'amnistie. Nous avons souligné aujourd'hui qu'après le Maïdan, l'amnistie avait été adoptée sans aucun débat, sans aucune tentative de bureaucratiser ce processus. Je suis certain que la même approche peut s'appliquer dans la situation actuelle.

Tous ces aspects – les élections, le statut, la réforme constitutionnelle et l'amnistie – sont interdépendants. Nous sommes certains qu'il sera pratiquement impossible d'organiser des élections tant que tous ces processus ne seront pas convenus puis approuvés par le Parlement ukrainien. Nous travaillons sur la question.

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