Emmanuel TODD. ((©Xavier Romeder pour L'OBS)) |
Après un silence imposé en France depuis la polémique suscitée par son livre "Qui est Charlie?", L'historien et démographe s'exprime sur les évènements qui ont marqué ces derniers mois.
Extraits :
Crise des réfugiés
« Honnêtement, je pense qu’absorber brutalement des millions d’immigrés endogames venus de Syrie, d’Irak et bientôt d’ailleurs – car ce n’est que le début, je pense en effet que l’Arabie Saoudite est aussi en cours d’effondrement –, dans un pays aussi vieilli que l’Allemagne c’est un défi absolument incroyable. L’Allemagne ne pourrait intégrer, contrôler et utiliser efficacement de telles masses de population, à de tels niveaux de différence culturelle et à ce rythme accéléré qu’en se stratifiant et en se durcissant. Le prix à payer serait sa transformation en une société policière ou militarisée.»
L’obsession laïque
« L’un des problèmes actuels du gouvernement et autres islamologues obsessionnels, qui veulent tenir le pays en agitant des caricatures de Mahomet et en chantant la laïcité, c’est qu’ils redécouvrent l’existence d’une fureur populaire bien de chez nous, qu’elle prenne la forme du désespoir paysan ou de ces jeunes qui refusent la réforme du marché du travail. C’est rassurant: enfin on revient aux vraies questions. Evidemment, le terrorisme islamique est un problème crucial. Mais, pour bien gouverner une société en crise, il faut prendre de la distance, et voir que ce drame n’est qu’un morceau d’une tragédie globale : notre société est paralysée parce que la France n’a plus de monnaie et ne peut plus avoir de politique économique. Tout est parodique dans nos débats politiques actuels. Chacun des candidats nous raconte qu’il va gouverner différemment alors qu’il sait très bien qu’il ne pourra, dans l’euro, qu’exécuter les directives de Berlin.»
Le provincialisme français
« Fondamentalement, ce que fait le gouvernement français n’a plus la moindre importance, et du reste les Allemands n’en tiennent aucun compte. Etre lucide, de nos jours, c’est voir que la France n’est pas un pays où se fait l’Histoire. Il y a vraiment un changement de cycle. L’élection présidentielle française n’aura pas le moindre impact, tandis qu’avec la montée en puissance de Trump et même de Sanders aux Etats-Unis, avec le retour efficace de la Russie au Moyen-Orient, et bien sûr, avec les choix de l’Allemagne, on a affaire à des tournants possibles de l’histoire mondiale.»
Le 13 novembre
« L’une des choses qui m’a le plus tristement impressionné le 13 novembre dernier, lors de ces attentats horribles, c’est justement la vision que la classe politique et les médias ont alors donnée de la jeunesse française. D’un côté les jeunes terroristes déments, barbares, islamisés jusqu’au fond des yeux, etc. De l’autre, des jeunes tout de jovialité, parfaitement sains, et radieux, sirotant des bières à la terrasse des bistrots. Alors qu’on a aujourd’hui toutes les statistiques en mains sur les difficultés effarantes à entrer dans la vie adulte pour les jeunes, la baisse de leurs revenus, leurs taux d’emploi misérables, les stages sous-payés voire non payés. Etre jeune en France, ce n’est pas juste siroter un demi en terrasse. Cette vision-là, c’est typiquement celle d’une société âgée qui a des problèmes de prostate.»
La polémique post-Charlie
« Je tiens à présenter solennellement mes remerciements à François Hollande et Manuel Valls qui, en lançant leur projet de loi sur la déchéance de nationalité, ont validé à 100% la thèse la plus discutée de «Qui est Charlie?»: l’identification du néo-républicanisme comme pétainiste et vichyste. Je considère désormais que j’ai une dette personnelle envers le Président de la République, et c’est d’avoir validé mon livre jusqu’à la dernière virgule.»
BibliObs
"Le projet socialiste : un banal cas d’escroquerie en bande organisée"...
... Lire l'entretien en intégralité : Les-crises
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