mercredi 17 juin 2009

Obama est en train de se transformer en un Dick Cheney


par Paul Craig Roberts*

Au cours de sa visite au Moyen-Orient et avant tout avec son discours à l’Université du Caire, le président Obama a tenté de gagner à sa politique un large public arabe et islamique . De nombreux médias du monde entier l’ont soutenu unanimement, comme s’ils s’étaient concertés. Ceux qui se sont montrés sceptiques et ont demandé que les actes succèdent aux paroles n’ont généralement pas été pris au sérieux. Or ces demandes sont tout à fait justifiées : non seulement l’expérience que l’on a de la politique étrangère américaine au cours des dernières décennies mais également celle des déclarations d’Obama et de ce qu’il a fait jusqu’ici. C’est ce qu’explique Paul Craig Roberts, ex-sous-secrétaire au Trésor des États-Unis.

Les États-Unis et leur président ont perdu leur âme. Un pays désespéré a élu un président qui promettait le changement. Des États-uniens étaient venus de tout le pays assister à Washington, par un froid glacial, à la cérémonie de prestation de serment. Aucun autre président n’avait attiré une telle foule. La bonne disposition du peuple à son égard et ses attentes suffisait pour qu’il mette fin aux guerres gratuites et fasse passer des réformes importantes, mais il a trahi le peuple pour favoriser d’autres intérêts. Il se fie à son attitude et à sa rhétorique modérées pour convaincre les gens que le changement est en route.

Or le changement que nous observons est en lui et non dans sa politique. Il est en train de se transformer en un Dick Cheney. Il est en fonctions depuis à peine quatre mois et l’on pourrait déjà écrire un livre entier sur les promesses qu’il n’a pas tenues.

Il avait déclaré qu’il allait fermer Guantanamo, la prison où l’on torturait, et abolir les cours illégales connues sous le nom de tribunaux militaires. Mais maintenant, il dit qu’il va réformer ces tribunaux et poursuivre les procédures, mais sans aveux obtenus sous la torture. Appuyant son adhésion à la politique de Bush/Cheney, les démocrates de la Chambre des représentants lui ont refusé le budget nécessaire à la fermeture de Guantanamo.

On continuera d’enlever des personnes (en général sur la foi de fausses informations fournies par leurs adversaires) et de les interner dans des prisons du tiers-monde pour les y interroger. Une nouvelle fois, Obama a remplacé par une « réforme » sa promesse d’abolir une pratique illégale. Selon lui, la pratique des détentions secrètes (renditions) a été réformée et n’impliquera plus la torture. Comment le savoir ? Obama va-t-il confier à un agent du gouvernement la mission de surveiller les traitements réservés par des brutes du tiers-monde aux personnes enlevées ? Étant donné la propension de la police états-unienne à brutaliser les citoyens états-uniens, rien ne peut garantir que les victimes ne seront pas torturées.

Obama a défendu le programme d’écoutes téléphoniques sans mandat de l’Agence de sécurité nationale (NSA) instauré par l’administration Bush/Cheney et confirmé l’argumentation juridique selon laquelle l’« immunité de juridiction » protège les fonctionnaires gouvernementaux de toutes poursuites pénales et civiles lorsqu’ils violent les lois états-uniennes et les droits constitutionnels des citoyens. Le ministère de la Justice d’Obama a pris la défense de Donald Rumsfeld dans un procès intenté par des détenus dont Rumsfeld avait violé les droits.

Par une « déclaration signée » [1], Obama a renoncé ce mois-ci à protéger les whistleblowers, ceux qui révèlent au Congrès les actions illégales de l’exécutif.

Obama revendique des pouvoirs encore plus étendus que Bush pour l’exécutif. À ce sujet, Bruce Fein écrit : « En principe, le président Obama soutient que les victimes des agissements anticonstitutionnels du gouvernement américain ne pourront pas porter plainte, cela afin d’empêcher les Américains et le monde entier de tirer les leçons des actes illégaux perpétrés au nom de la sécurité nationale et d’exiger des responsables qu’ils répondent de leurs actes politiquement et juridiquement. » En d’autres termes, Obama s’est engagé à couvrir les crimes du régime Bush et à assurer que son propre régime pourra continuer à agir de manière illégale et anticonstitutionnelle.

Obama s’oppose à la publication de la dernière série d’épouvantables photos de tortures qui viennent d’être découvertes. Il prétend que cette publication va susciter la colère des insurgés et les amener à tuer des GI’s. Bien sûr que c’est insensé. Ceux qui résistent à l’occupation de leur pays par les troupes états-uniennes et les mercenaires de l’OTAN ont déjà pour vocation de tuer nos soldats et ils savent que les États-uniens torturent tous ceux qu’ils capturent. Obama s’oppose à cette publication parce qu’il sait que l’image barbare de l’armée US que donnent ces photos va saper l’appui aux guerres qui enrichissent le complexe militaro-sécuritaire, qui calment le lobby pro-Israël et récompensent ceux qui ont financé sa campagne.

Obama est également revenu sur sa promesse de retirer les troupes d’Irak. À la consternation de ses partisans, il laisse là-bas 50 000 GI’s. Les autres sont envoyés en Afghanistan et au Pakistan où, sous les yeux d’Obama, la guerre a éclaté sur une grande échelle et où les bombardements de civils ont déjà fait un million de réfugiés.

Et la guerre contre l’Iran reste une option. Sur l’insistance de Washington, l’OTAN effectue des manœuvres sur un ancien territoire soviétique, préparant la voie à un futur enrichissement du complexe militaro-sécuritaire états-unien. Le chômage états-unien qui monte en flèche fournit les troupes nécessaires aux guerres expansionnistes d’Obama.

Le président peut faire de grands discours sans malmener la langue anglaise. Il sait sourire et amener les gens à croire à sa rhétorique. Le monde, ou du moins une grande partie de celui-ci, semble se satisfaire des paroles modérées qui font passer la politique de suprématie de l’Exécutif et d’hégémonie mondiale qui était celle de Dick Cheney.

[1] Signing statement : acte par lequel le président modifie la signification d’un texte de loi.


*Paul Craig Roberts est l’auteur de la loi Kemp-Roth. Il fut sous-secrétaire au Trésor de l’administration Reagan. Il fut rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal et rédacteur à la National Review.

Voltaire.net

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