Par le Dr Christophe Oberlin
C’est au nom d’un état juif à majorité juive, censé accueillir les juifs du monde entier, que les autochtones, les Palestiniens sont martyrisés depuis soixante ans. Pourtant certains n’hésitent pas à condamner les Palestiniens, les Arabes en général, et tous ceux qui les soutiennent pour un « antisémitisme » supposé. Les Palestiniens devraient déclarer aimer les juifs et insister à tout moment sur la distinction entre juifs et sionistes. C’est évidemment déloyal. En 1942 les Français n’aimaient pas les « boches » et aucune association anti raciste n’a jamais protesté.
Lorsqu’on dit aujourd’hui en France
« qu’on n’aime pas les Américains », tout le monde comprend qu’il ne
s’agit évidemment pas de tous les Américains en tant qu’individus, mais
qu’on désigne par-là la politique et les guerres américaines qui ont
fait un million de morts en quelques décennies. Et « ne pas aimer les
Américains », ne tombe pas sous le coup de la loi.
Quand on dit qu’on n’aime pas les Corses, ce n’est évidemment pas très
intelligent, mais tout le monde comprend qu’on entend par là une
certaine ambiance xénophobe qui règne en Corse. Ca ne tombe pas sous le
coup de la loi.
Quand on dit qu’on n’aime pas les juifs,
il est évident que cela désigne ceux qui soutiennent un état raciste
dans ses lois et ses actes. Ce qui veut dire qu’on n’aime pas les juifs
racistes, rien d’autre. C’est le message de Dieudonné. Et voilà qu’on
voudrait faire tomber cela sous le coup de la loi. C’est déloyal et
stupide.
J’ai personnellement des gens de ma
famille qui sont morts en déportation. Quand Desproges dit « On se
demande pourquoi les juifs se précipitaient à Auschwitz ? D’abord parce
que c’était gratuit ! » C’est du deuxième degré, ça me fait rire, et ça
ne porte en rien atteinte à la mémoire de ma famille. Quand quelqu’un se
fait photographier devant Auschwitz en faisant une quenelle, ça ne
porte pas atteinte à ma dignité ni à celle de ceux qui sont morts en
déportation. Par contre c’est un geste fort à l’encontre de tous ceux
qui tentent de masquer les crimes d’Israël derrière les crimes nazis.
C’est à eux que ce discours s’adresse.
Et voilà que nos politiques, les plus
tristes que la France ait connus depuis longtemps, voudraient expliquer
à un humoriste ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas ! Et on voudrait
nous faire croire que les millions de personnes qui rient sont des
idiots ou des antisémites, y compris ceux qui soutiennent les
Palestiniens dans leur lutte contre l’apartheid ! C’est méprisant, et
aussi effrayant. Et les commentaires à sens unique de nos radios et
télévisions nationales donnent le frisson.
Ceux qui condamnent Dieudonné n’ont pas
assisté à ses spectacles, et n’ont pas réalisé qui est son public : un
public de jeunes, extraordinairement diversifié, qui représente une
France fraternelle, fondamentalement antiraciste, la France de demain.
Alors il y a heureusement quelques
poches de résistance dans les tribunaux. Et le jugement prononcé à
Nantes, cassant l’interdiction d’un spectacle de Dieudonné, rassure.
Toutes les barrières n’ont pas cédé.
Et voilà qu’un juge unique du Conseil
d’Etat, sur simple convocation du gouvernement, dans un texte d’une
pauvreté affligeante, dépourvu du moindre fondement juridique, impose
son opinion à toutes les lois existantes, à tous les arrêts précédents
français et européens !
La France qui dérape, elle est là.
Christophe Oberlin
10 Janvier 2014
10 Janvier 2014
URL de cet article :
http://www.silviacattori.net/article5272.html
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Christophe OBERLIN, né en 1952. est
chirurgien des hôpitaux et professeur à la faculté Denis Diderot à
Paris ; il enseigne l’anatomie, la chirurgie de la main et la
microchirurgie en France et à l’étranger. Parallèlement à son travail
hospitalier et universitaire, il participe depuis 30 ans à des activités
de chirurgie humanitaire et d’enseignement en Afrique sub-saharienne,
notamment dans le domaine de la chirurgie de la lèpre, au Maghreb et en
Asie. Depuis 2001, il dirige régulièrement des missions chirurgicales en
Palestine, particulièrement dans la bande de Gaza où il a effectué près
d’une trentaine de séjours. Il est le coauteur avec Jacques-Marie
Bourget de Survivre à Gaza, (éditions Koutoubia,
2009) la biographie de Mohamed al-Rantissi, le chirurgien palestinien
frère du dirigeant historique du HAMAS assassiné par l’État d’Israël… Il
est également le traducteur du livre Gaza, au carrefour de l’histoire du journaliste anglais Gerald Butt (aux éditions Encre d’Orient).
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