lundi 2 juillet 2018

L'Allemagne, la vraie menace qui pèse sur l'Union Européenne


Pour Patrick Edery, directeur général du cabinet Partenaire Europe, Angela Merkel impose à l'Union européenne une politique économique qui favorise ses propres intérêts, au détriment des autres nations.

Il existe en France, chez nos élites, un discours assez unanime pour présenter l’Allemagne comme une puissance bienveillante. Il est assez effrayant de constater à quel point le dogme du « couple franco-allemand » n’est jamais remis en cause par les dirigeants des partis de gouvernement. Leur credo est toujours le même : l’Allemagne est l’exemple à suivre ; l’Allemagne payera les politiques que nous allons mettre en place ; le couple franco-allemand est l’alpha et l’oméga de l’Union européenne et est seul capable de relancer l’Europe. Quel parti de gouvernement s’interroge sur les conséquences de l’hégémonie allemande tant au niveau politique qu’économique ? Certes, accoler les termes « hégémonie » et « allemande » leur vaudrait une levée de bouclier immédiate, dénonçant un anti-germanisme primaire. Cependant, de plus en plus de voix venant de la société civile s’élèvent de tous bords et horizons, jusqu’au très fédéraliste correspondant à Bruxelles de Libération, Jean Quatremer, et nous alertent sur les conséquences inquiétantes de cette hégémonie.

La vassalisation économique de l'Europe

Le célèbre professeur de philosophie politique Pierre Manent résume très bien la situation : « Au nom de l’intérêt général européen, l’Allemagne a persuadé ses partenaires de subir docilement les conséquences d’une politique systématiquement mercantiliste qui, comme toute politique mercantiliste, vise à obtenir et augmenter des avantages unilatéraux ». Pour mémoire, le but d’une politique mercantiliste est de dégager un excédent de balance commerciale le plus élevé possible afin d’enrichir son pays. Actuellement, l'Allemagne accapare plus de 20% des excédents commerciaux mondiaux (plus que la Chine avec 14%) alors qu'elle représente 1,1% de la population mondiale. Pour ce faire, elle est devenue, comme l'explique très bien l'économiste Olivier Passet, « LE donneur d'ordre industriel de l'Europe », via une vassalisation de cette dernière. Elle importe massivement des biens intermédiaires de qualité, mais à bas coût, les assemble chez elle, via des opérations à forte valeur ajoutée et les revend sur le segment haut de gamme. Les marchés européens sont ainsi moins pour elle des débouchés que des fournisseurs bon marché. Or cette politique condamne les autres pays européens, s'ils veulent rester dans le jeu, à compresser leurs marges, modérer les salaires et flexibiliser leur marché du travail. Il est donc absolument nécessaire pour l'Allemagne de convaincre constamment ses partenaires, au sein de l'UE, que sa politique est dans leur intérêt. Le meilleur exemple est la mise en place des réformes allemandes du marché du travail, les lois « Hartz», qui sont en train de devenir la norme en Europe.

Cette politique, par l’injustice qu’elle génère inévitablement, n’est ni tenable ni durable. Hélas, l’Allemagne ne prévoit pas de se réformer pour diminuer ce déséquilibre macroéconomique majeur. Elle préfère mettre tous les moyens en œuvre pour capter, le plus longtemps possible, le maximum de liquidités via une balance commerciale sur-excédentaire. Cette fuite en avant pervertit le projet européen, car elle oblige la démocratie allemande à contrôler l'administration européenne. Désormais, tous les Commissaires savent qu’ils ne peuvent être désignés ou reconduits contre la volonté de l’Allemagne, et les principaux postes clés de l’Union européenne sont détenus, ou en passe de l’être, par des Allemands.

La France condamnée à être le vassal de l’Allemagne ?

Face à cela que fait la France ? Elle continue de croire en la toute-puissance du dogme du « couple franco-allemand », à la bonté infinie de l'Allemagne qui payerait pour que la France dirige. Emmanuel Macron n’a pas échappé à ces mirages, et comme ses prédécesseurs a été mystifié par Angela Merkel. Que ce soit avec l'ancien chancelier Kohl, les alliances gouvernementales avec les verts, les libéraux et les socialistes, Martin Schulz ou les présidents français N. Sarkozy et F. Hollande, la tactique de Mme Merkel est toujours la même : leur laisser le magister de la parole et garder celui de l'action. Le Président français n’a pas échappé à ce piège.

Pendant qu’il faisait des propositions plus audacieuses les unes que les autres à Angela Merkel, cette dernière profitait de la bonne image d’Emmanuel Macron en Allemagne. Après trois mandats, elle a réussi à rajeunir son image en se rapprochant de notre jeune Président, et ce, sans lui faire aucune promesse sauf celle de l’écouter. Une fois élue, elle a pris le temps de laisser Emmanuel Macron abattre ses dernières cartes avant de faire ses propositions. Une fois mises sur la table, le Président français n’avait d’autre choix que de les accepter, sauf à avouer que Mme Merkel l’avait mené par le bout du nez pendant un an. Il a préféré une pseudo-victoire médiatique à la défense des intérêts français. Mais qu’a-t-il obtenu pour la France ? La promesse d’une aumône incertaine ? Le budget de l’Eurozone ?

Ce fameux projet de budget de l'Eurozone, outre qu’il doit être encore acté par les autres pays, ne devrait rien apporter de substantiel à la France. Les pays de la zone euro ont des niveaux de développement assez proche, aussi l’argent qui y serait dédié reviendra à quelques euros prêts dans la poche des contributeurs. Une couche supplémentaire sera ajoutée au mille-feuilles européen, une institution de plus, qui sera chargée de gérer les fonds et qui échappera au contrôle du suffrage universel.

La France se dépossède inutilement de moyens d’action. En échange de cette aumône on nous demanderait de mutualiser un de nos derniers attributs de puissance : notre droit de véto au conseil de sécurité de l’ONU.

Un maître du jeu cynique

Observons les événements qui secouent l’UE actuellement à l’aune uniquement du mercantilisme allemand. C’est-à-dire d’une politique allemande assujettissant toute décision à un accroissement de l’excédent de la balance commerciale, via une vision très utilitariste de ces partenaires européens.

La mise au ban de la Hongrie et de la Pologne ? Alors que ces deux éléments clés de la production allemande s’affranchissaient peu à peu de la tutelle de Berlin, leurs coûts salariaux augmentaient dangereusement du fait de leur croissance vertigineuse. Grâce à une campagne de dénigrement efficace et l’action de la Commission européenne, il est désormais communément admis par tous qu’il faut leur réduire drastiquement les fonds européens, ce qui aura pour conséquence de réduire leur croissance et donc leurs coûts salariaux. Ce qui sera bénéfique à l’industrie allemande et non à la nôtre, qui commençait à redevenir un peu plus compétitif face à la hausse des coûts de l’Est.

La « guerre commerciale » des Etats-Unis à l’UE ? Dans les faits, il s’agit d’une guerre commerciale, non pas à l’U.E., mais à l’Allemagne, dans le but de s’opposer au mercantilisme allemand. Donald Trump ne s’en cache pas. Et là aussi, la France fait prévaloir les intérêts allemands sur les siens. L’Allemagne, avec son excédent commercial hors norme, aurait tout à perdre à entrer dans une guerre commerciale. Alors qu’avec leur déficit commercial, c’est le contraire pour la France ou les USA.

Le déchirement de l’Europe autour des migrants? Déclenché par la politique migratoire unilatérale et autoritaire de Berlin du fait accompli, qui y voyait un moyen de palier à son manque de main d’œuvre et l’envolée des salaires qui menaçaient son modèle. (... Suite : LIEN)

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