jeudi 15 octobre 2009

Honduras : du coup d'État à la faillite économique

Le président déchu du Honduras, Manuel Zelaya (g), le 14 octobre 2009 à Tegucigalpa
AFP
Magasins vides, aide internationale gelée, chômage en hausse : le coup d'État du 28 juin au Honduras a déjà coûté très cher au Honduras, troisième pays le plus pauvre des Amériques, dont l'économie devrait se contracter de 4 % cette année, selon les analystes.

Alors que le président déchu Manuel Zelaya et le gouvernement putschiste négocient toujours une sortie de crise, dans les commerces de Tegucigalpa, les vendeurs attendent les clients, comme Ada Moltalban, qui désespère de voir arriver quelqu'un dans le restaurant de fruits de mer où elle travaille. Cette femme de 46 ans a du mal à nourrir ses quatre enfants avec le salaire minimal, 289 dollars par mois, pourtant augmenté de 60 % par le président Manuel Zelaya, avant qu'il soit renversé par le coup d'État.

"Je complète avec les pourboires, mais ces derniers mois, il n'y a personne et j'ai peur d'être licenciée. Nous les pauvres, nous sommes toujours les plus touchés", dit-elle à l'AFP. "Nous étions pauvres, maintenant nous sommes misérables. Beaucoup de commerces ferment. Chaque jour, j'arrive avec la peur de trouver ma lettre de licenciement, car les chiffres sont dans le rouge", témoigne aussi Filiberto, serveur dans l'hôtel où des délégués des deux camps négocient. Le Honduras est enferré dans une crise politique complexe depuis le coup d'État qui a renversé M. Zelaya. Pour pousser le gouvernement putschiste à rétablir le président déchu dans ses fonctions, la communauté internationale a gelé de nombreuses programmes économiques. Les États-Unis et l'Union européenne ont ainsi suspendu plus de 120 millions de dollars d'aide à eux deux.

Le Fonds monétaire international (FMI) et d'autres organismes internationaux ont également gelé leurs crédits, en attendant que la situation politique se stabilise. Associée à la crise internationale, cette coupure de l'aide internationale a créé 180.000 chômeurs de plus dans le petit pays d'Amérique centrale, où 40 % de la population active (3,5 millions de personnes) n'a pas de travail ou est sous-employée. Environ 700.000 membres de la classe moyenne sont menacés de glisser sous le seuil de pauvreté cette année, estime le Forum social de la dette extérieure du Honduras (Fosdeh), organisme non gouvernemental, selon qui 70 % de la population (7,6 millions d'habitants) pourrait bientôt vivre sous ce seuil.

"La situation du Honduras est sans précédent et 2010 sera encore plus difficile", prévient le responsable du Fosdeh, Mauricio Diaz, qui prévoit une chute de 4 % de l'économie cette année. Le gouverneur en exil de la Banque centrale, Edwin Araque, table, lui, sur une baisse de 3 %, après une croissance de 4 % en 2008. "Nous avions déjà la crise internationale et avec ce conflit, la situation a empiré. Pour ne pas déprimer, nous préférons ne pas faire les comptes", a déclaré à l'AFP le patron des patrons, Adolfo Facussé, allié du régime putschiste. Les ventes de véhicules neufs ont déjà chuté de 60 %, selon les entreprises du secteur.

Les couvre-feu décrétés à plusieurs reprises par le gouvernement putschiste ont également durement affecté les bars, restaurants et hôtels. Certains affichent des taux d'occupation inférieurs ou égaux à 30 %. Et la crise s'est déjà étendue au-delà des frontières du pays. Le commerce interrégional est en baisse et les voisins du Honduras souffrent aussi d'une baisse des investissements étrangers et du tourisme, selon Juan Daniel Aleman, secrétaire général du Système d'intégration centraméricain.


Honduras: les délégués établissent un plan de sortie de crise

AFP

TEGUCIGALPA — Les représentants du président déchu du Honduras, Manuel Zelaya, et du gouvernement putschiste de Roberto Micheletti sont parvenus à un accord mercredi sur la restitution du dirigeant évincé par le coup d'Etat du 28 juin, a annoncé l'un des délégués.

Ce compromis doit cependant encore être accepté par MM. Zelaya et Micheletti.

"Nous avons approuvé un document sur le point numéro six, qui est le point portant sur la restitution des pouvoirs de l'Etat tels qu'ils fonctionnaient avant le 28 juin 2009", a déclaré l'un des négociateurs du président déchu, Victor Meza, lors d'une conférence de presse.

Le retour à la situation précédant le coup d'Etat du 28 juin implique le retour de M. Zelaya au pouvoir, hypothèse jusqu'ici rejetée par M. Micheletti.

Le point numéro six était le dernier des huit points clés du plan de sortie de crise qui restait à approuver.

"Je suis optimiste par nature", a ajouté le négociateur avant de se diriger vers l'ambassade du Brésil, où M. Zelaya a trouvé refuge depuis son retour clandestin dans le pays le 21 septembre.

M. Meza, ministre du gouvernement au sein de l'exécutif déchu, a en revanche refusé de dévoiler les termes de l'accord "pour ne pas violer un pacte" conclu par les représentants des deux équipes de négociateurs.

M. Meza a par ailleurs rappelé que M. Zelaya avait donné jusqu'à jeudi soir 00H00 (vendredi 06H00 GMT) pour arriver à un accord de sortie de crise. Le dirigeant déchu n'a cependant pas précisé ce qu'il comptait faire en cas de statu quo.

Mardi soir, les négociateurs avaient annoncé être tombés d'accord sur sept des huit points clés du plan de sortie de crise en discussion, parmi lesquels la formation d'un gouvernement d'unité nationale, le rejet d'une amnistie ou le renoncement de M. Zelaya à convoquer une assemblée constituante.

Manuel Zelaya a été renversé et expulsé du pays par un coup d'Etat le 28 juin, le jour où il avait organisé contre l'avis de la Cour suprême une consultation populaire sur un éventuel changement de la Constitution, qui interdit à un président de briguer un deuxième mandat.

Il est réfugié à l'ambassade du Brésil depuis son retour clandestin au Honduras le 21 septembre.

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