vendredi 5 juin 2015

Entretien avec Sergueï Lavrov, 2 Juin 2015 [Vidéo]

Interview exclusive du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov accordée au journaliste Ryan Chilcote de l'agence Bloomberg, à Moscou, le 2 juin 2015 :



Transcription :

Question: Il est le bras droit de Vladimir Poutine en politique étrangère et dirige le corps diplomatique russe à une période où les relations du pays avec l'Occident sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide. Monsieur Lavrov, merci beaucoup d'avoir accepté de nous rencontrer. Je voudrais commencer par une question sur votre récente rencontre avec le Secrétaire d’État américain John Kerry. Votre entretien, à Sotchi, a duré plusieurs heures. Puis vous vous êtes entretenus tous les deux avec le Président russe. De quoi s'agissait-il? Peut-on y voir le début d'une détente dans les relations entre la Russie et les États-Unis?

Sergueï Lavrov: Je pense que l'approche réaliste prend aujourd'hui le dessus. J'ai été un peu surpris de l'attention accordée aux entretiens de John Kerry avec le chef de l’État russe et moi-même, qui ont duré plusieurs heures. En 2014 – l'année de la crise en Ukraine qui a été instrumentalisée par certains pour tenter de saper les relations entre la Russie et l'Occident - j'avais rencontré John Kerry 17 fois, c'est-à-dire plus que tous les autres de mes homologues. Et chacun de nos entretiens avait duré plusieurs heures. Il s'agissait de pourparlers sur la Syrie, le Yémen, l'Irak, l'Afghanistan et, bien sûr, l'Ukraine. Le fait que le dernier cycle de négociations se soit tenu en Russie est agréable, mais plutôt symbolique.

Question: C'est exactement l'objet de ma question, parce que je pense que ce n'est pas le temps passé ensemble qui compte, mais la qualité, n'est-ce pas? En 2009 a eu lieu le fameux "redémarrage" dans les relations russo-américaines, qui n'a pas apporté de résultats particuliers, comme vous le savez. Vous avez dit que ce que nous observions aujourd'hui dans les relations russo-américaines n'était pas un redémarrage. Pourquoi?

Sergueï Lavrov: Le redémarrage, dans sa version initiale, n'était pas notre invention mais celle d'Hillary Clinton et de l'administration d'Obama. Avec George W. Bush, Vladimir Poutine avait de très bonnes relations personnelles et moi avec Condoleezza Rice. Mais pour une raison que j'ignore ces bonnes relations ne se sont pas reflétées dans la pratique politique. Et quand Barack Obama est devenu président, son administration a réévalué l'état des relations bilatérales avec la Russie. Ils ont décidé qu'il était bien plus avantageux d'avoir une approche ouverte. Il y a eu un redémarrage de la politique américaine vis-à-vis de la Russie. C'est à cette époque qu'est apparue la Commission présidentielle avec, il me semble, 21 groupes de travail chargés de toutes les sphères d'activité. Puis tout s'est soudainement arrêté, parce que nous ne pouvions pas accepter et n'avons pas accepté le coup d’État en Ukraine qui a été activement soutenu et salué aux USA.

Je pense qu'aujourd'hui nos relations sont parfaitement réalistes. Le Président Poutine communique parfois avec le Président Obama par téléphone. Ces conversations sont très pragmatiques. Ils évoquent les axes de coopération concrets et mutuellement bénéfiques. Avec John Kerry, nous faisons la même chose mais à un niveau bien plus détaillé. Je ne dirais pas que c'est un nouveau redémarrage, mais une prise de conscience de la nécessité de revenir à des relations normales.

Question: En parlant de cette nécessité de revenir à des relations normales, une politique réelle, ainsi qu'à la coopération sur les sujets où il est possible de trouver un terrain d'entente… Vous avez dit que la Syrie faisait partie des thèmes évoqués. La semaine dernière vous avez appelé les USA à coopérer avec Bachar Al-Assad en Syrie pour combattre l’État islamique. C'est une bonne idée, mais elle a été immédiatement rejetée par les USA. Pouvez-vous nommer un domaine, hormis les négociations de paix – laissons pour l'instant cette rhétorique – où la Russie coopère réellement avec les USA dans la lutte contre l'EI?

Sergueï Lavrov: Nous préférerions le faire sur une base collective, sur la base du droit international, via le Conseil de sécurité des Nations unies. Malheureusement, quand les Américains ont annoncé leurs croisades contre l'EI en Irak et en Syrie, ils n'ont consulté le Conseil de sécurité à aucun moment. Ils ont simplement annoncé la création d'une coalition et déclaré que le gouvernement irakien avait donné son accord pour procéder à des attaques aériennes contre les positions de l'EI sur son territoire. Ils ont déclaré par ailleurs qu'ils feraient la même chose en Syrie sans demander l'autorisation du gouvernement syrien et sans s'adresser au Conseil de sécurité. Je pense que c'était une erreur. A mon avis, cette idée fixe envers le président Bachar Al-Assad n'apporte pas de résultats positifs dans la cause commune de la lutte antiterroriste. Et quand nos collègues américains disent qu'il ne peut pas être considéré comme un partenaire légitime, nous leur rappelons toujours qu'il l'était parfaitement quand nous avions demandé au Conseil de sécurité des Nations unies d'adopter une résolution sur le désarmement chimique de la Syrie. La résolution du Conseil de sécurité, avec le soutien des USA et un consensus à l'Onu, saluait la décision du gouvernement syrien d'adhérer à la Convention sur les armes chimiques et la coopération du gouvernement syrien en la matière. Ils étaient alors parfaitement légitimes.

Question: L'une de vos exigences de longue date est que les USA renoncent à l'idée de changer le gouvernement en Syrie. Constatez-vous des signes indiquant que les USA sont prêts à laisser le président Al-Assad au pouvoir?

Sergueï Lavrov: Ce n'est pas aux USA d'en décider. Il ne s'agit pas du fait que nous voulions qu'ils changent d'avis, mais si cela arrivait alors tout reprendrait sa place.

Question: Monsieur le ministre, pour revenir à Sotchi, vous avez passé plusieurs heures de pourparlers avec le Président russe et John Kerry, et cette question a été visiblement soulevée. Avez-vous eu un sentiment quelconque, parce que le reste du monde sait, bien sûr…

Sergueï Lavrov: Je ne peux pas parler des détails de notre conversation…

Question: Pourquoi?

Sergueï Lavrov: Pour des raisons évidentes, mais nous pensons évidemment que le règlement politique est l'unique solution possible pour la Syrie. Nous pensons également que le communiqué de Genève adopté il y a trois ans en est la base. D'autant plus qu'il a été approuvé par la résolution du Conseil de sécurité et adopté par consensus. Cette résolution, ainsi que les principes et les approches fixés dans les accords de Genève, prévoient la création d'un organisme dirigeant de transition sur la base d'une entente mutuelle entre les Syriens.

Les efforts actuellement déployés – d'après ce que j'ai compris, les États-Unis sont prêts à soutenir l'envoyé spécial de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura – visent justement à créer les conditions pour que tous les Syriens, toutes les couches de la société syrienne, puissent participer au processus politique. Certains pays s'opposent fermement au lancement de ce processus tant que le président Assad sera au pouvoir. Je crois que cette question doit être résolue par le peuple syrien lui-même. Les forces extérieures qui exercent leur influence sur différents groupes en Syrie doivent décider ce qui représente la plus grande menace: la personnalité du président syrien ou bien l'État islamique et ses semblables?

Question: D'accord. Alors que nous discutons ici avec vous de l'État islamique, Paris, au même moment, accueille une réunion de la coalition qui mène la lutte contre l'EI. Pourquoi n'y participez-vous pas?

Sergueï Lavrov: Comme je l'ai déjà dit, nous voulons voir naître une coalition dont les actions seraient fermement basées sur le droit international.

Question: Bien sûr, mais une coalition des pays arabes et occidentaux intéressés à surmonter ce conflit s'est déjà formée. La question est de savoir s'il s'agit d'une réponse rhétorique ou bien la Russie peut-elle vraiment joindre ses efforts à d'autres pays pour résoudre ce problème?

Sergueï Lavrov: Nous ne sommes pas contre ce que cette coalition fait. Après tout, son activité vise à affaiblir ce groupe terroriste cruel.

Question: Alors, pourquoi la Russie n'a-t-elle pas rejoint la coalition?

Sergueï Lavrov: La Russie luttait contre ce groupe bien avant la création de cette coalition. Nous fournissions les armes nécessaires au gouvernement irakien, quand les Américains ne voulaient pas le faire. Ils voulaient que les autorités irakiennes remplissent d'abord certaines conditions, liées à la correction des erreurs commises il y a douze ans, quand sous prétexte de la présence en Irak d'armes de destruction massive, Saddam Hussein avait été renversé et que l'administrateur de l'occupation américaine – je ne me rappelle plus de son poste – Paul Bremer avait dissout toutes les structures sunnites en Irak. Ce qui s'est passé ensuite, vous le savez bien. Nous livrons aussi des armes au gouvernement syrien pour donner à la Syrie comme à l'Irak la possibilité de lutter plus efficacement contre les terroristes sur le terrain. Tout le monde comprend et admet ouvertement que les frappes aériennes seules ne suffisent pas.

Question: Pouvez-vous partager vos prévisions? Si la stratégie actuelle de lutte contre l'EI ne marchait pas, jusqu'où, à votre avis, ce groupe, pourrait-il aller?

Sergueï Lavrov: Très loin. Ils ont déjà considérablement élargi le territoire de leur présence en Irak et en Syrie…

Question: L'EI peut-il envahir toute la Syrie? Est-ce possible?

Sergueï Lavrov: Ils viennent d'envahir la province d'Idleb. Leurs émissaires ont été vus en Libye et même dans le Nord de l'Afghanistan, ce qui est tout près de l'Asie centrale et, donc, de la Russie. Vous savez, nous essayons de couper le financement de l'EI, du Front al-Nosra et d'autres organisations de ce genre. C'est la Russie qui a proposé la résolution, récemment adoptée par le Conseil de sécurité, sur la nécessité d'empêcher les achats de pétrole sur les territoires contrôlés par les terroristes. Je crois que dans le cadre du Conseil de sécurité il faut aller plus loin et créer un mécanisme qui permettrait d'établir qui achète quel pétrole. Il faut combattre non pas les symptômes du mal, mais ses causes profondes. En septembre 2014, la Russie a proposé d'unir les efforts sous l'égide du Conseil de sécurité pour conduire une analyse globale de la menace terroriste dans la région afin de s'assurer que nous traitons tous les terroristes de la même manière, indépendamment de l'endroit où ils apparaissent. Nous ne pouvons pas admettre que se reproduise la situation où plusieurs pays ignoraient sans vergogne l'embargo imposé par le Conseil de sécurité sur les livraisons d'armes en Libye et ne cachaient même pas qu'ils livraient des armes aux rebelles qui cherchaient à renverser Kadhafi. Ils fournissaient des armes à ces rebelles, et puis, juste quelques semaines ou mois après, ils ont dû faire face aux mêmes rebelles, armés par les Européens, au Mali! Si l'oiseau marche comme un canard et chante comme un canard, c'est un canard.

Question: Revenons tout de même à la question de savoir à quel point la situation pourrait se dégrader. Je voulais savoir, si l'EI pourrait envahir toute la Syrie. Qu'en pensez-vous?

Sergueï Lavrov: Si l'on continue à observer tranquillement ce qui se passe et à soutenir ceux qui s'opposent fermement au lancement du processus politique…

Question: Alors quoi?

Sergueï Lavrov: … jusqu'à ce que Bachar al-Assad s'en aille. Alors, je regarde l'avenir de cette région sans aucun optimisme, car ces gens placent la haine envers un seul homme au-dessus de la nécessité de lutter contre le terrorisme. On l'a déjà vu plus d'une fois. Les États-Unis ont chassé Saddam Hussein et, finalement, ont détruit tout le pays.

Question: Donc, vous voulez dire que…

Sergueï Lavrov: Avec Kadhafi, c'était pareil.

Question: Vous dites que les frappes aériennes ne sont pas efficaces et qu'une opération terrestre, notamment, aurait beaucoup plus d'effets. La question est hypothétique, je sais que vous n'aimez pas ce genre de questions.

Sergueï Lavrov: Ma réponse est oui.

Question: Soutiendriez-vous une opération terrestre des USA pour rétablir la paix au Moyen-Orient? Oui ou non? Les frappes aériennes ne suffisent pas.

Sergueï Lavrov: Et vous croyez qu'il n'y ait que l'armée américaine qui en soit capable?

Question: La Russie est-elle prête à fournir ses troupes pour cela?

Sergueï Lavrov: Attendez, attendez: les Américains ont été en Afghanistan et en Irak. Regardez dans quel état sont aujourd'hui ces deux pays. J'ai dit qu'il était tout à fait clair que l'absence de coordination entre les frappes aériennes et les actions de l'armée syrienne était une erreur et le restait toujours. Voilà ce qu'il faut faire à notre avis. Malheureusement, nos collègues américains ne peuvent pas l'accepter pour des raisons idéologiques.

Question: C'est-à-dire, la réponse est "non". Passons à l'Irak. La date limite…

Sergueï Lavrov: Attendez. Il y a le gouvernement syrien…

Question: Invitera-t-on les troupes américaines en Syrie?

Sergueï Lavrov: On invitera la coalition. Il faudra alors, bien évidemment, trouver des volontaires.

Question: Parlons de l'Iran: la date limite pour trouver un accord sur le dossier nucléaire approche. La Russie participe aux négociations. Êtes-vous sûr que ce délai sera respecté?

Sergueï Lavrov: Si tous les participants, le groupe 5+1 et les Iraniens, se tenaient aux mécanismes politiques sur lesquels nous nous sommes mis d'accord il y a quelques mois, nous serions tout à fait en mesure de respecter le délai annoncé, c'est-à-dire tout finir d'ici fin juin. Si au dernier moment, quelqu'un essayait d'obtenir un peu plus que prévu par ce mécanisme politique, nous serions certainement incapables de tenir les délais.

Question: Actuellement, vos propos sont beaucoup moins certains que dans le passé.

Sergueï Lavrov: Non, j'ai dit que si tout le monde se tenait à ce qui avait été accordé dans le cadre du mécanisme politique adopté à Lausanne, il serait tout à fait possible de tout conclure avant fin juin.

Question: D'accord. Mais si cela n'avait servi à rien? Quels sont les dangers d'un tel scénario?

Sergueï Lavrov: Nous avons toujours considéré la qualité et le contenu des accords comme étant plus importants que les délais. Et quand les ministres ont fixé la fin du mois de juin comme date limite, nous avons ouvertement annoncé qu'il ne s'agissait pas d'un ultimatum.

Question: Il semble que l'obstacle principal réside dans le fait que les États-Unis et l'Union européenne exigent d'organiser des inspections avant la levée de leurs sanctions contre l'Iran. Est-ce que vous soutenez cette position?

Sergueï Lavrov: Absolument. Nous soutenons les inspections, qui doivent…

Question: Donc vous n'êtes pas d'accord avec les Iraniens qui exigent une levée immédiate des sanctions?

Sergueï Lavrov: Il y a deux choses: la première concerne les inspections. L'Iran dit: "Vous pouvez inspecter". L'AIEA peut inspecter n'importe quel site lié au programme nucléaire iranien. Certains membres du groupe occidental affirment que les Iraniens doivent soumettre aux inspections non seulement les sites nucléaires, mais aussi ceux qui ont un caractère militaire. Les parties doivent s'entendre. Nous sommes prêts à aider, mais ne considérons pas que tous les sites militaires doivent faire l'objet d'inspections car cela touche la sécurité de l'Iran, alors que les experts comprennent parfaitement quels sites l'AIEA doit inspecter de manière régulière.

Le deuxième point réside dans l'approche de la levée des sanctions. On peut les annuler toutes d'un seul coup ou le faire progressivement. A notre avis, toutes les sanctions introduites par l'Onu qui ne sont pas liées aux risques de dissémination, doivent être levées avant l'adoption de l'accord par le Conseil de sécurité. Les sanctions relatives aux risques de dissémination peuvent être annulées lors de la deuxième étape, suite à la publication du rapport de l'AIEA deux ou trois mois après. Mais ce sont des experts qui doivent fixer les modalités de l'accord.

Question: Concernant les sanctions économiques antirusses: la plupart des observateurs estiment que l'Union européenne devrait les prolonger lors du sommet consacré à ce sujet. Est-il possible d'éviter ce scénario?

Sergueï Lavrov: Nous ne nous concentrons pas sur cette question, mais sur les moyens d'utiliser la situation pour diversifier notre propre économie. Nous y réfléchissons depuis très longtemps, car nous comprenons parfaitement le fonctionnement des sanctions américaines. Vous rappelez-vous de l'amendement Jackson-Vanik? Il avait été adopté pour une seule raison, mais, à ce que je sais, a tenu trente ans après la disparition de cette raison. Ainsi…

Question: Pouvez-vous préciser le terme "très longtemps"? Ces sanctions sont, d'après vous, pour combien de temps?

Sergueï Lavrov: Nous n'y pensons pas. Nous nous concentrons sur…

Question: Mais si, vous y pensez. Vous venez de les comparer avec l'amendement Jackson-Vanik.

Sergueï Lavrov: Non, j'ai dit que nous avons tiré des leçons de l'amendement Jackson-Venik et compris que les sanctions pourraient durer des décennies. Ainsi, nous nous sommes tout simplement concentrés sur la restructuration de notre économie et l'organisation de notre vie dans la mesure où nous avons plus de partenaires en Amérique latine et en Asie qu'en Europe et en Occident en général.

Question: Toutes les négociations précédentes sur l'Ukraine, auxquelles a pris part le président russe, ont également impliqué la chancelière allemande et le président français. Le président Obama était pourtant toujours absent de la table des négociations. A votre avis, sa présence pourrait-elle contribuer au processus de paix en Ukraine?

Sergueï Lavrov: Vous parlez de la présence américaine à la table des négociations?

Question: Oui.

Sergueï Lavrov: Nous en avons parlé avec John Kerry. A mon avis, lui et son équipe comprennent la fragilité extrême de ce processus. Le groupe de contact, des sous-groupes dans quatre domaines, le format Normandie… Si tous les membres du groupe de contact et du format Normandie se prononçaient pour le changement des participants aux pourparlers, nous n'aurions aucune objection. Mais je pense que les Américains comprennent que ce processus et si fragile que tout nouvel acteur peut…

Question:… le torpiller?

Sergueï Lavrov:… le déséquilibrer. Comme les Américains ont sans aucun doute une influence énorme sur les autorités de Kiev et leur comportement, Moscou et Washington se sont entendus pour organiser régulièrement des contacts bilatéraux et des échanges de vues pour comprendre comment nous pourrions pousser les parties locales vers une mise en œuvre totale et exhaustive des accords de Minsk.

Question: Concernant la FIFA: d'après le président russe, les accusations contre la fédération ciblent en réalité son président Joseph Blatter et visent à torpiller l'organisation de la Coupe du monde 2018 en Russie. Êtes-vous du même avis? Est-ce qu'il s'agit d'une démarche antirusse?

Sergueï Lavrov: Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit qu'il ne pouvait rien dire sur le contenu des accusations avancées.

Question: Alors…

Sergueï Lavrov: Tout est possible, mais le moment choisi pour ces actions en Suisse est très éloquent…

Question: Vous parlez des accusations de pots-de-vin et de corruption?

Sergueï Lavrov: Effectivement. Il a dit qu'il ne savait rien de ces accusations ou de leur bien-fondé. Tout cela est du ressort des enquêteurs et des juges. Il a aussi noté que le moment de ces accusations…

Question: Certainement.

Sergueï Lavrov: … a été choisi de façon à torpiller les élections du président de la FIFA. Je doute que cela vise l'organisation de la Coupe du monde en Russie. C'est faux.

Question: Donc vous n'êtes pas de cet avis?

Sergueï Lavrov: Non.

Question: On évoque souvent le Qatar. Peut-il être la raison de tout cela? D'après vous, il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé, car…

Sergueï Lavrov: Je ne serais si catégorique… Je ne sais pas. Mon souci est la Coupe du monde en Russie - pas celle du Qatar.

Question: D'accord.

Sergueï Lavrov: Ça m'est égal, ce qui se passe au Qatar.

Question: D'accord. Mais peut-on dire que la Russie a plus de chance d'accueillir la Coupe du monde que de la gagner?

Sergueï Lavrov: Oui, vous avez raison. Mais il faut quand même essayer.

Question: Est-ce que la Russie continuera de soutenir le président de la FIFA Joseph Blatter même si une enquête était ouverte contre lui? On peut supposer qu'il ne s'agit pas de la dernière arrestation par les États-Unis…

Sergueï Lavrov: Nous ne sommes pas ici pour faire des pronostics. Le fait est que la Russie a soutenu Joseph Blatter lors de ces élections.

Question: D'accord.

Sergueï Lavrov: Qui plus est, nous l'avons fait ouvertement, contrairement à la plupart des membres du comité exécutif de la FIFA.

Question: Les enquêteurs suisses pourraient s'intéresser au ministre russe des Sports. Est-il prêt à coopérer?

Sergueï Lavrov: Je doute qu'il puisse intéresser qui que ce soit.

Question: Un moment. Si les autorités suisses ont envie de parler avec le ministre russe des Sports, est-ce qu'il…

Sergueï Lavrov: Si elles ont envie de s'entretenir avec le ministre, elles devront s'adresser…

Question: Via les canaux officiels, n'est-ce pas?

Sergueï Lavrov: Exactement.

Question: Dans ce cas-là, la Russie coopérera-t-elle avec les enquêteurs?

Sergueï Lavrov: Cette question est du ressort du Parquet général. C'est là-bas qu'il faut envoyer les requêtes appropriées.

Question: Qu'en pensez-vous des théories selon lesquelles la Russie n'a pas tout simplement gagné le droit d'organiser la Coupe du monde? Est-ce que l'enquête révélera l'existence de pots-de-vin de la part de la Russie?

Sergueï Lavrov: Tout cela est improbable, car nous n'avons pour le moment vu aucune preuve fondée, ni ne serait-ce qu'un semblant de vérité.

Question: Aujourd'hui tout le monde parle sans cesse de la situation de la Grèce en Europe occidentale.

Sergueï Lavrov: Pourquoi?

Question: La Russie est-elle préoccupée par les événements en Grèce?

Sergueï Lavrov: La Grèce et la Russie ont des liens séculaires spirituels, culturels et historiques. Notre religion, l'orthodoxie, est venue de l'Empire byzantin. Mille ans après, la Russie a reconnu l’État grec - ce qui signifie que nos relations ont une histoire longue. Nous souhaitons le meilleur à tout le peuple grec, et…

Question: Qu'est-ce que vous pourriez recommander aux Grecs: rester au sein de l'Union européenne ou la quitter?

Sergueï Lavrov: La mentalité américaine vous a affecté de manière néfaste. Vous voulez sans cesse donner des leçons.

Question: Non, non, non. Vous ne considérez pas cela comme le rôle de la Russie?

Sergueï Lavrov: Qu'est-ce que…

Question: D'après vous, la Grèce pourrait-elle bénéficier d'une sortie éventuelle de l'UE?

Sergueï Lavrov: Qu'est-ce que vous pourriez recommander aux Ukrainiens: rejoindre l'UE et l'Otan ou pas?

Question: Mais on en parle beaucoup moins…

Sergueï Lavrov: Pas du tout.

Question: On parle beaucoup moins d'une adhésion éventuelle de l'Ukraine à l'UE et à l'Otan, ce que vous considérez visiblement comme un accomplissement.

Sergueï Lavrov: Mais non. Je veux tout simplement dire que les Américains donnent sans cesse des leçons à tout le monde.

Question: La Russie n'a donc aucun conseil à donner à la Grèce?

Sergueï Lavrov: Ce sont les Grecs qui décident. Nous leurs souhaitons le meilleur lors de leurs négociations avec le FMI et la BCE, aussi bien qu'avec l'Allemagne et la France.

Question: Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement pour votre temps.

Sergueï Lavrov: Merci.

Question: C'est un plaisir de parler avec vous, comme d'habitude.

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