vendredi 7 juin 2024

De Gaulle sur le conflit Israël / Palestine

 

« Je voudrais que les Français, dans cette affaire, voient leur intérêt national avant tout. Quand nous avons prôné la modération, les Arabes nous ont écoutés. Pas les Israéliens, que nous avions pourtant prévenus contre les succès militaires initiaux que leur assuraient leur armement, leur expérience, leur cohésion et leur situation sur le terrain. J'avais mis en garde Abba Eban avec la plus grande netteté dans notre entretien du 24 mai.

Aujourd'hui, le fait de leur victoire est là. Mais nous ne pouvons admettre d'entériner des conquêtes territoriales. Les Israéliens ne voudront lâcher ni Gaza, ni Charm-el-Cheikh, ni les étendues du Sinaï, ni les rives du Jourdain, ni les hauteurs du Golan. Or les Arabes ne peuvent accepter ces conquêtes. Il y a donc un armistice, mais pas la paix.

Le spectacle des réfugiés arabes mourant de soif et sans recours est tragique. Il y a un vrai ghetto arabe à Gaza. Les conséquences morales et politiques du drame pèseront lourd.

Quant à la suite, nous n'avons aucune raison de prendre parti, quels que soient les sentiments. On ne recouvrera pas la paix avant très longtemps, car ce n'est pas avant très longtemps que les États en cause se rapprocheront. Les Israéliens n'ont rien à nous demander et nous n'avons rien à leur donner. Nous nous efforcerons en revanche, dans la mesure convenable, de secourir les Arabes moralement et de garder leur confiance péniblement recouvrée.

Alors, il y a l'opinion française ! Elle ne nous encourage pas ! Ce n'est pas nouveau. Quand une question de politique internationale grave est en cause, jamais les Français n'ont vu juste pour commencer. Mais on ne fait pas une politique en suivant l'opinion publique. L'opinion finit toujours par se rallier à une politique, à condition qu'elle soit bonne. »

Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, tome III. 27 juin 1967.


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