Par Bill Bonner
Nous sommes allé à Cafayate il y a quelques jours, à trois heures de route du ranch — sur des pistes la majeure partie du temps. Nos vieux amis Doug Casey et John Mauldin donnaient une conférence.
L’"Etat profond", entre autres choses, faisait partie des sujets débattus.
"Le terme vient en fait de la Turquie", a expliqué Doug. "Les gens se sont rendu compte qu’il y a le gouvernement… vous savez, le gouvernement dont on parle à l’école. Et il y a un gouvernement plus en profondeur, plus important. Il n’est décrit dans aucune constitution. Les journaux n’en parlent pas. Pour la plupart des gens, il est largement invisible. Mais c’est ainsi que le pays est gouverné".
En deux mots, Doug — et de nombreux autres — pensent qu’un "Etat profond" s’est installé aux Etats-Unis.
"La Guerre de Sécession a été la guerre la plus importante et la plus sanglante que les Etats-Unis aient jamais vécue", a continué Doug. "Quasiment tout le pays était mobilisé, avec une plus grande proportion d’hommes sous les drapeaux que jamais auparavant — et depuis. Mais une fois la guerre terminée, les soldats sont rentrés chez eux. L’armée était minuscule. Et les choses se revenues à la normale. Idem après la Première Guerre mondiale".
"Après la Deuxième guerre mondiale, les choses ont commencé à changer. Petit à petit, une partie croissante des ressources américaines est allée à l’armée de manière permanente, quand bien même il n’y avait pas de guerre digne de ce nom".
Après la Deuxième guerre mondiale, le retour sur investissement du secteur militaire a chuté. Pourquoi ?
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Pour regarder les choses autrement, après la Deuxième guerre mondiale, le retour sur investissement du secteur militaire a chuté. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas de guerre valant la peine d’être menée. Il n’y avait pas de véritable rival pour les Etats-Unis… en dehors de l’Union soviétique, qui s’est révélée être une menace creuse. Puis, en 1989, l’Union soviétique a disparu… alors que les dépenses américaines pour la "sécurité" ralentissaient à peine.
Après les années 80, les Etats-Unis ont été conquis par l’Etat profond… dont les intérêts utilisaient la "sécurité" pour justifier de gigantesques transferts de pouvoir et d’argent du public vers eux-mêmes.
"La France aussi a eu un Etat profond," a avancé Elizabeth durant le voyage de retour. "Pendant la Révolution, il y avait des comités politiques secrets, une armée parallèle et tout un système destiné à contrôler les gens. Les révolutionnaires utilisaient la terreur — y compris l’idée que le pays était rempli d’espions — pour maintenir la population dans la peur et l’inquiétude. Un peu comme ce qu’on voit aux Etats-Unis avec toutes ces agences secrètes et ces alertes Code rouge. Tout ça est conçu pour entretenir l’angoisse générale… et faire en sorte que la population continue d’obéir à l’Etat".
Il n’en a pas été question durant notre conversation à Cafayate, mais l’idée d’Etat profond va plus loin que simplement l’armée. Dans l’Amérique moderne, des arrangements informels et largement cachés existent dans tous les secteurs principaux — en particulier la santé, l’éducation et la finance. Dans ces secteurs, tout est minutieusement réglementé jusqu’au moindre détail pour empêcher l’innovation et la concurrence.
Nous avons déjà parlé du pourcentage élevé de généraux à la retraite qui ont des sinécures dans le secteur de la défense. Il en va de même pour bon nombre de chercheurs, d’universitaires ou d’huiles de Wall Street — tous circulent en toute fluidité entre le gouvernement, des think tanks quasi-publics et des entreprises privées… échangeant des informations, des faveurs et des dessous-de-table.
Regardez Tim Geithner. Il a renfloué Wall Street (on estime désormais le coût total à 10 000 milliards de dollars… en tenant compte de l’aide de la Fed). Surprise, surprise ! Il est désormais partenaire de l’une des sociétés de private equity de Wall Street.
Dans tous ces secteurs, le retour sur tout investissement additionnel frôle le zéro… ou est déjà négatif. Malgré ça, l’Etat profond insiste pour qu’ils reçoivent de plus en plus de ressources.
▪ Pourtant, personne ne bouge…
David Stockman sait cela mieux que quiconque. Il faisait partie du gouvernement en tant que directeur du budget sous Ronald Reagan. Ensuite, il est allé à Wall Street où il est lui aussi devenu partenaire dans une société de private equity. Il a observé la conquête du pays par des institutions de l’Etat profond financées par de l’argent emprunté… et avec un but principal — veiller à leurs propres intérêts.
Stockman appelle cette transformation de la société américaine "la Grande déformation". C’est ce qui arrive quand le capitalisme est corrompu par le gouvernement et son appareil d’Etat profond.
"L’Etat profond", a expliqué Doug, "comprend des dizaines d’agences dont personne n’est rien censé savoir. Il inclut un million de personnes ayant des accès top secret à la CIA. Au plus bas niveau, il y a les gens qui vous fouillent à l’aéroport… et au plus haut niveau, il y a les gens qui gagnent des millions de dollars en fournissant des contrats de services au gouvernement".
"Les Américains, pour la plupart, se soumettent volontiers à cet état de fait", a continué Doug. "C’est là la chose la plus étonnante. Les Américains sont devenus un peuple d’esclaves, prêts à accéder à n’importe quelle demande de l’Etat profond".
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