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Combattante de l'Armée Rouge à Berlin, 1945 |
En ce 9 mai, jour historique de célébration pour tous les russes de la victoire contre l'Allemagne nazie, à l'heure où les commémorations de Moscou sont honteusement boycottées par Hollande et les chefs d'états occidentaux soumis au diktat américain, je reprends ici, l'analyse historique de mon ami Ni Ando,
initialement publiée en 2009, qui remet les choses à leur place en ce qui concerne la vérité historique :
Les États-Unis vainqueurs militaires de la Seconde Guerre Mondiale en Europe ?
Cette question peut être abordée sous trois angles:
- celui de la contribution militaire aux pertes (critère imparfait certes).
- celui de la chronologie des opérations.
- celui du poids respectif des fronts.
Nous citons Omer Bartov, historien dont la notoriété et la qualité des travaux sont incontestables.
1- Contribution militaire aux pertes.
S'agissant
du niveau de ces pertes, une évaluation étasunienne donne 400.000 pour
les pertes de l'US Army dont sans doute 230.000 en Europe et Afrique du
Nord. Les pertes de la Wehrmacht ont été revues à la hausse ces
dernières années (de 4.000.000 initialement à 5.533.000 aujourd'hui).
Les pertes soviétiques ont été recalculées à trois reprises entre 1945
et 1991. Les tués au combat de l'Armée rouge représentent près de 5.000
morts par jour, soit des pertes journalières quatre fois plus élevées
que celles subies par l’armée impériale russe sur ce même front de 1914 à
1917.
La commission d'historiens constituée en 1987 en Fédération de
Russie évalua le bilan des pertes à 26,6 millions dont près de 10
millions de tués pour l'Armée rouge, 10 millions pour les pertes civiles
directes et 7 millions pour les pertes civiles indirectes
(surmortalité). Les chiffres donnés pour l'extermination de civils
concernent des civils abattus individuellement ou collectivement par le
Reich dans les territoires soviétiques conquis et occupés en 1941, 1942
et jusqu'en 1943.
Tués de l’Armée rouge. 9.450.000.
dont tués directs. 6.400.000
dont prisonniers de guerre soviétiques exterminés. 2.500.000.
dont morts d’accidents et fusillés par le NKVD. 550.000.
Le
total des pertes militaires et civiles de l'Allemagne et de l'Union
soviétique réunies représentent 75% du total des pertes humaines subies
en Europe (87% avec la Pologne, en quatrième vient la Yougoslavie avec
2,1%).
Si l'on ne considère que les pertes militaires, tous camps
confondus, les tués de l’Armée rouge constituent 53% du total des pertes
militaires connues en Europe, ceux de la Wehrmacht 31% et ceux de
l’armée nord-américaine 1,3% (Royaume-Uni 1,8%, France 1,4%). Le total
des pertes militaires seules de l'Allemagne et de l'Union soviétique
réunies représentent donc 84% du total de toutes les pertes militaires
subies en Europe.
Les pertes militaires de l’Union soviétique
représentent 88% du total des pertes alliées en Europe (Royaume-Uni 3% -
France 2,3% - Etats-Unis 2,2%).
De 1941 à 1945, 80% des pertes de la
Wehrmacht sont subies sur le front russe. "Fin mars 1945, la totalité
des pertes de l’Ostheer (la Wehrmacht sur le front russe) s’élevait à
6.172.373 hommes, soit prés du double de ses effectifs initiaux, au 22
juin 1941. Ce chiffre représentait 80% des pertes subies par la
Wehrmacht sur tous les fronts depuis le déclenchement de l’invasion de
l’Union soviétique. En termes relatifs, les unités combattantes sur le
front russe avaient subi des pertes encore plus importantes". O. Bartov.
Les
pertes militaires du conflit germano-russe au sens strict (les seules
opérations militaires impliquant une confrontation entre l'Armée rouge
et la Wehrmacht) sont de 13.876.400 soit 78% du total des pertes
militaires subies en Europe. Si l'on rajoute les forces de l'Axe qui
combattirent en Russie (Hongrie, Roumanie, Italie qui eut jusqu'à
200.000 hommes sur ee front) le rapport est encore plus élevé.
2- La chronologie des opérations.
Début
1944, l’Armée rouge met en ligne deux fois plus de chars, quatre fois
plus d’avions d’assaut que le Reich. Engagée dans une guerre totale
contre la Russie, l’industrie de guerre allemande « tourne » pourtant au
maximum de ses capacités et ne cesse de se développer jusqu’au début de
1945 (ses dépenses militaires passent de 35% du PNB en 1940 à 65% en
1944). Dés la fin de 1943, la poussée des armées soviétiques vers
l’Allemagne, parsemée de batailles dont l’ampleur et la férocité sont
sans équivalent à l’Ouest, apparaît irrésistible. Même si en 1943 la
Wehrmacht peut encore aligner 258 divisions en Union soviétique (5
millions d’hommes sur le papier, en fait probablement moins de 3
millions, soit prés de 80% des effectifs totaux de l’armée allemande qui
compte en tout 320 divisions fin 1943) il s’agit d’une armée saignée à
blanc, qui a perdu ses capacités d’initiative et ses meilleures troupes.
Les
armées soviétiques attaquent sans interruption depuis août 1943, sur un
front continu de plus de 2.000 km. La Wehrmacht subi défaite sur
défaite. Les Russes ont adopté les techniques de la guerre-éclair, et
font des centaines de milliers de prisonniers (en mai 1945 on dénombre
plus de 3 millions de prisonniers allemands détenus en URSS). Le 5 août
1943 une salve d’honneur fête la libération d’Orel. Le 5 août 1943 est
ainsi le début du temps des « Salves de la Victoire ». Minsk est libérée
en juillet 1943, Smolensk en septembre.
Le 8 avril 1944, alors que
les alliés n’en sont qu’aux préparatifs de leur débarquement en France,
une salve de 324 canons marque, à Moscou, l’arrivée de l’Armée rouge en
Roumanie et en Tchécoslovaquie. Fin avril 1944, les Russes sont aux
portes de la Prusse orientale. En juin 1944, avec 124 divisions et prés
de 6.000 chars d’assaut, ils infligent sur un front de 600 km une
défaite totale aux divisions allemandes qui combattent en Biélorussie.
L'"opération Bagration" aboutit à la destruction complète du groupe
d'armées Centre, et constitue la plus grande défaite de la Wehrmacht de
la Seconde Guerre Mondiale (380.000 tués et 150.000 prisonniers, 25
divisions anéanties). En juillet 1944, les fantassins soviétiques sont
sur la frontière polonaise. Le 28 août ils pénètrent en Hongrie
(conquise fin décembre après de très durs combats), en septembre les
pays baltes sont libérés, les divisions russes entrent en Finlande. En
octobre, les Russes sont en Yougoslavie. Pour la seule année 1944, les
armées russes anéantissent 136 divisions allemandes et 50 des pays
satellites.
La Russie lance l’offensive finale sur l’Allemagne en
plein hiver, sur un front s’étendant de la Baltique à l’Adriatique, avec
6,7 millions de combattants, prés de 8.000 chasseurs et bombardiers,
5.000 pièces d’artillerie autotractées, 7.000 chars contre 3.500, 50.000
canons. Varsovie est libérée le 17 janvier 1945. Le 19 janvier 1945,
les premières unités pénètrent en Allemagne. Les chef militaires
soviétiques ont la possibilité de foncer sur Berlin dés février (le 30
janvier 1945 les armées de Joukov sont sur l’Oder, à 70 km de la
Chancellerie du Reich) mais ils préfèrent d’abord liquider le corps
d’armées de la Wehrmacht en Prusse-Orientale puis le réduit de
Poméranie, qui menacent leur flanc nord, et nettoyer le flanc sud
(Europe centrale). 60 divisions allemandes ont été anéanties lors de ce
premier assaut. Pour ralentir la poussée furieuse des Russes, le
commandement allemand transfère encore 29 divisions du front ouest vers
l’Est, dégarnissant encore un front ouest qui, pourtant, mobilisait déjà
moins de 25% des forces du Reich depuis juin 1944.
Le 13 janvier
1945, l’Armée rouge se lance à l’attaque de la Prusse Orientale avec 1,6
million de soldats. La Wehrmacht attend l’assaut avec 45 divisions,
soit 580.000 soldats. Au terme de combats d’une incroyable férocité les
poches de résistance de l’armée allemande sont liquidées les unes après
les autres. Le désastre est total pour l’armée allemande. Il ne reste
pratiquement plus rien de son corps d’armées de Prusse-Orientale après
seulement trois mois d’offensive russe. Toute l’Allemagne s’ouvre alors à
l’Armée rouge.
Les Nord-Américains ne parviennent à traverser le
Rhin que le 7 mars 1945 (le 31 mars pour la 1ère Armée française). Le 13
avril 1945 les Russes ont déjà conquis Vienne. Le 16 avril, la Stavka
lance à l’assaut de Berlin (3,3 millions d’habitants) une armée de 2,3
millions de combattants équipée de 41.600 canon, épaulés de 6.200 chars
et canons autopropulsés, 7.200 avions (quatre armées aériennes). Le 9
mai, l’Allemagne, représentée par Keitel, signe à Berlin (Karlshorst),
devant son vainqueur représenté par Joukov, sa capitulation sans
conditions.
3- L'importance respective des fronts.
« C’est
en Union soviétique que la Wehrmacht eut les reins brisés, bien avant
le débarquement des Alliés en France; même après juin 1944, c’est à
l’Est que les Allemands continuèrent à engager et à perdre la majorité
de leurs hommes. Pour l’écrasante majorité des soldats allemands,
l’expérience de la guerre fut celle du front russe ». O. Bartov.
De
juin 1941 à juin 1944, le front de la Seconde Guerre Mondiale, en
Europe, est le front russo-allemand. Jusqu'en mars 1945, la Wehrmacht y
consacre l’essentiel de ses ressources en hommes et en matériels. 34
millions de Soviétiques sont mobilisés dans les rangs de l’Armée rouge
de 1941 à 1945, tandis que quelques 20 millions d’Allemands portent, à
un moment ou à un autre, l’uniforme de la Wehrmacht sur le front russe.
En
juillet 1943, lors de la gigantesque bataille de Koursk, à peine sept
divisions et deux brigades (2,7% des forces allemandes) sont engagées
face aux Américains et aux Britanniques. Le reste (91 divisions et 3
brigades) se trouve cantonné dans les territoires de l’Europe occupée.
Les alliés ont certes pris pied en Afrique du Nord en novembre 1942
(débarquement de 70.000 hommes à Alger et Oran), en Sicile en juillet
1943 (160.000 hommes), en Italie à Salerne (sud de Naples) en septembre
1943 et à Anzio en janvier 1944, mais les moyens engagés pèsent encore
de peu de poids (la Wehrmacht n'a que 23 divisions en Italie début 1944)
comparés à la démesure des effectifs et des matériels présents depuis
1941 sur le front russe.
La comparaison est difficile entre la guerre
sur le front russe, depuis 1941, et celle menée sur le front ouest,
essentiellement à partir de juin 1944. Sur le premier, on assiste à une «
Guerre de Titans » démesurée et totale. La « guerre industrielle » y
atteint un paroxysme jamais égalé depuis, parsemée de gigantesques
batailles d’anéantissement. Sur le front ouest, on voit des combats
d’arrière-garde, sans influence sur l’issue d’une guerre que
l’état-major allemand sait avoir perdu face à l'Union soviétique dés
1943.
La part du front russe dans les opérations de la Wehrmacht est
écrasante, y compris jusqu’en mai 1945. La comparaison des pertes subies
par la Wehrmacht sur les deux fronts à partir de juin 1944 montre bien,
encore une fois, la part presque exclusive du front russe même après le
débarquement des alliés. Du 1er juillet au 31 décembre 1944, pendant
cinq mois, lors de la grande offensive soviétique contre le groupe
d’armées du Centre, les Allemands perdent chaque mois en moyenne 200.000
soldats. A l’Ouest, au cours de la même période, c’est-à-dire après le
débarquement allié en Europe, la moyenne des pertes allemandes s’élève
seulement à 8.000 hommes par mois (soit un rapport de 1 à 25).
Quand
les alliés débarquent le 6 juin 1944, l'essentiel de la capacité
militaire allemande a déjà été anéantie par l'Union soviétique. Elle ne
peut plus guère opposer aux troupes alliées qui viennent d’être
débarquées en Normandie (150.000 hommes) que 30 divisions, réparties
dans un rayon de 250 km autour de la zone de débarquement. Il s’agit de
divisions dont la valeur opérationnelle n’a plus grand chose à voir avec
celle des 200 divisions qui attaquèrent la Russie en juin 1941,
d’unités ramenées à 25% de leurs effectifs de combat, avec peu de
matériels, et composées de rescapés du front russe et d’adolescents
n’ayant pas connu le feu. En juillet 1944, plus d’un million d’hommes
auront été débarqués en France (60 divisions nord-américaines, 18
anglaises, 10 françaises). La seule vraie réaction d’envergure de
l’Allemagne sera la contre-offensive des Ardennes de décembre 1944 où
elle ne parviendra pourtant qu’a engager... 21 divisions, qui suffiront
cependant à stopper la progression américaine, alors que depuis octobre
1944 l’Armée rouge se trouve déjà à 70 km de Rastenburg, QG de Hitler en
Prusse Orientale.
Le front ouvert en juin 1944 aura donc eu,
militairement, environ neuf mois d’existence contre 47 mois pour le
front russe où, là, les combats resteront acharnés jusqu’au tout dernier
jour.
L’ouverture d’un second front obligera le Reich à dégarnir le
front russe. Mais le front ouest (France, Italie) ne mobilisera jamais
plus de 75 divisions allemandes, dont une minorité de divisions
combattantes, à comparer aux 220 divisions de la Wehrmacht début 1944,
qui subissent les assauts des armées russes. Au plus fort de leur
engagement en Europe, à la fin de 1944, c’est-à-dire à la fin d’une
guerre déjà gagnée, les Etats-Unis mettront en ligne 90 divisions, à
comparer aux 360 divisions de l’Armée rouge qui combattent l’Allemagne
nazie depuis 1941.
L’étonnante facilité de la progression des armées
nord-américaines en Europe à partir de septembre 1944 ("la chevauchée de
Patton"…), le faible niveau des pertes en vies humaines de ces forces,
font simplement pendant à la défaite qui a emporté la Wehrmacht sur le
front russe. A partir de 1945, l’état-major de la Wehrmacht décide
d’opposer une résistance de faible intensité à l’avance des troupes
alliées en Allemagne tout en poursuivant une guerre féroce et acharnée
contre l’Armée rouge (600.000 soldats soviétiques tués pour la
libération de la Pologne, 700.000 autres tués dans les combats pour les
pays baltes). Les forces britanniques de Montgomery (20 divisions et
1.500 chars) traversent le Rhin en Hollande à partir du 23 mars 1945
sans rencontrer de résistance sérieuse. On mesure le peu d’opposition
rencontrée si on observe que la 9ième armée américaine, qui fournissait
la moitié de l’infanterie d’assaut, a eu alors moins de 40 tués.
Ainsi
que le souligne P. Miquel, les opérations de l’année 1944 ressortent
avant tout d’une volonté de « conquêtes territoriales » (avec des
implications majeures concernant le partage politique de l’Europe
continentale après le conflit) : la question qui se pose en juin 1944
n’est plus celle de la victoire sur l’Allemagne. Le débarquement allié
de juin 1944 n’eut ainsi aucune importance sur l’issue militaire du
conflit en Europe (politiquement et économiquement c'est évidemment une
autre question).
4- Conclusion
La Seconde Guerre Mondiale en
Europe a été, pour l’essentiel, une guerre germano-russe (à 80% si l'on
veut). C'est le constat d'un rapport de proportion et non celui d'une
valeur donnée à tel ou tel camp.
L’intervention des Etats-Unis en
Europe, bien trop tardive pour vraiment peser militairement, a
essentiellement une motivation politique et économique. Elle a pour
objectif d'empêcher Staline d'occuper toute l’Europe de l’Ouest (si tant
est qu'il en ait eu l'intention) : en mai 1945 l’Armée rouge occupe
l’Autriche et campe aux portes de l’Italie et de la Suisse.
La
contribution militaire étasunienne est négligeable (moins de 3% des
pertes alliées en Europe). Elle n'est pas décisive militairement car
elle n'a pas pesé dans un résultat final déjà acquis, même si cette
contribution a accéléré de quelques mois une victoire de toute façon
déjà remportée par l'Union soviétique.
La reconstruction, à
partir des années 50 (guerre froide aidant) d'une réalité devenue
fantasmée ("les Etats-Unis vainqueurs du Second conflit mondial") et la
victoire contre le Japon n'enlèvent rien à ce fait. Pour les Français,
s'il faut rendre un hommage, c'est donc d'abord aux soldats soviétiques
qu'il faut le rendre puisque c'est leur sacrifice qui a permis le
débarquement allié de juin 1944 qui les a "libéré".
En Europe,
et comme en 1917, en misant peu, les Etats-Unis ont beaucoup récolté:
une gloire usurpée (puissance des représentations), une Europe de
l'ouest peu ou prou sous tutelle (la leur), la préservation de leurs
débouchés économiques en Europe, l'éviction et le remplacement des
positions commerciales mondiales occupées par l'Europe en 1940, et
l'imposition du dollar. Enfin, en livrant essentiellement une "guerre de
matériels", les Etats-Unis ont réussi à s'extirper de leur grande crise
des années 30.
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Pour compléter, voir l'excellent article de notre ami Olivier Berruyer :