vendredi 31 mai 2013

Extraits des Intellectuels intègres, de Pascal Boniface

Pascal Boniface : Comment expliques-tu l’impunité du mensonge à laquelle on assiste aujourd’hui, le fait que l’on puisse raconter de grosses bourdes ?
Emmanuel Todd : C’est quelque chose qui me fascine. Personnellement, je vis dans la terreur de faire des erreurs en termes de recherche scientifique. J’ai peur d’avoir tort dans des faits ou des interprétations. Quand je vois certains de ces intellectuels médiatiques, lorsque j’entends ce qu’ils disent et la façon dont ils sont démentis, je me dis que si j’avais fait des trucs pareils, je me suiciderais de honte. Mais ce laxisme, cette complaisance envers soi-même font partie d’une évolution des mœurs qui dépasse tout à fait le monde intellectuel.
Je ne veux pas qu’il y ait de malentendu. Je n’ai pas la nostalgie du passé sur le plan psychologique et moral. Je pense que les gens sont aujourd’hui tout autant moraux qu’autrefois. Les gens ordinaires sont même beaucoup plus ouverts. L’élévation du niveau de conscience, de la capacité de communication, de la tolérance envers autrui sont dans les milieux populaires un phénomène massif. On l’a un peu oublié, les ouvriers avaient autrefois des difficultés à exprimer leurs émotions, étant parfois proches d’états schizoïdes – je n’ai pas parlé de schizophrénie. L’élévation du niveau culturel, la remise en question des schémas autoritaires, l’équilibrage des rôles masculin et féminin ont mené l’ensemble de la population à un état psychique et moral très supérieur à ce qu’il était autrefois. Cela a toutes sortes de conséquences sociopolitiques positives : l’incapacité à concevoir la guerre notamment, qui est assurément une bonne chose même si c’est parfois embêtant lorsque le monde extérieur la conçoit toujours. Reste que l’un des corrélats – transitionnel j’espère – de cette révolution psychologique a été l’affaiblissement d’un certain type de rigueur intellectuelle ; je suis en train de parler de permissivité. Certes Mai 68 a été pour moi un bonheur extraordinaire, on s’est marrés comme des fous, et à partir de Mai 68 la société a en gros bien évolué comme je le disais juste avant. Mais pour le coup on peut reprendre la leçon d’Aron : on n’a rien sans rien, un phénomène n’est jamais complètement bénéfique. La libération des mœurs, qui est une bonne chose, s’est accompagnée d’un certain type de relâchement de l’autodiscipline morale en milieu intellectuel. Ce n’est pas la peine de le nier. On le voit dans le rapport à l’argent et dans une tolérance à des comportements intellectuels indignes : les gens font des plagiats, se font prendre et ne se suicident pas. Et ils recommencent. C’est tout à fait stupéfiant.
Tout ça, c’est le livre que je n’écrirai pas parce que je ne m’intéresse pas suffisamment à ces gens pour leur consacrer de l’énergie. Mais si je travaillais là-dessus, j’essaierais de – c’est ce que d’instinct je commençais à faire – trouver une explication socio-psychologique dans laquelle je mettrais en parallèle tout le bien que les évolutions psychiques ont pu faire dans les milieux populaires et les dégâts qu’elles ont pu faire dans le monde intellectuel. Mais ne dramatisons pas. Je vous jure que les historiens restent aussi sérieux et fiables qu’avant.
Et je complète ce schéma sur les évolutions récentes en rappelant que la « déconographie » philosophique est en France un phénomène fort ancien, qui a fait le lit des délires actuels. La philosophie française a été, durant tout le xxe siècle, et plus tôt encore, remplie de propositions – sur l’être, le néant, l’étant, etc. – dépourvues de sens mais qui se prenaient pour des découvertes métaphysiques. « Je pense donc je suis » et toute cette sorte de chose : tautologie, nonsens, poésie ? Peut-on humainement exiger une rigueur morale absolue de gens qui ont réussi un concours parce qu’ils ont su pasticher ces âneries ? Il y avait depuis longtemps une fragilité constitutionnelle dans la pensée française.

Source : Jolpress.com

mercredi 22 mai 2013

Todd dans la blogosphere (II)


 "(...) je lis le livre d’Emmanuel Todd et d’Hervé Le Bras, leur grande enquête sur les racines de la France (Le mystère français, ndlr). Je trouve que ce sont sans doute les auteurs – avec quelques autres mais peu – les plus prolifiques sur l’analyse de notre pays. C’est un travail très riche et insuffisamment pris en compte par les politiques." Jean-Marie Le Guen, député de la 9e circonscription de Paris

Suite des lectures toddiennes, par beau temps (...?)  :

- Suivons les traces de la pensée toddienne avec Jean-Louis Prat dans Ragemag :

Sur les premiers écrits d'Emmanuel Todd

- Le retour en fanfare du toujours excellent Yann dans son blog Le Bon Dosage :

Laissons l'Allemagne mourir seule

Suite au prochain épisode...


samedi 18 mai 2013

Todd dans la blogosphère



Un peu de lecture Toddienne par temps pluvieux :

- Un excellent texte de Simon Fulleda pour Ragemag à propos du mythe de la montée perpétuelle du Front National :
 
Montée du Front : l’illusion

 - une analyse du débat Todd/Quatremer chez Taddei par le blogueur Jcg :

Jean Quatremer versus Emmanuel Todd

Bonne lecture!

mercredi 8 mai 2013

vendredi 3 mai 2013

Londres : le coq géant de Trafalgar, un coup des Français?

Le fier gallinacé défiant Nelson à Trafalgar Square. Shocking indeed!


Un coq bleu de 4,20 mètres de haut est au coeur d'un début d'incident diplomatique. Le projet d'installation en plein coeur de Londres, sur Trafalgar square, d'un coq géant de couleur bleu cobalt - créé par une plasticienne allemande, mais symbole selon ses critiques d'une France conquérante - n'est pas du goût de tout le monde au Royaume-Uni. L'audacieuse pièce d'art, qui n'est pas sans rappeler Footix, la mascotte de la Coupe du monde 1998, serait installée dans un lieu de mémoire de la victoire de l'Empire britannique sur Napoléon. Le conseil municipal de Westminster doit entériner sous peu l'érection de la sculpture en fibres de verre , sortie de l'imagination de Katharina Fritsch, qui a exposé dans les plus grands musées d'art moderne du monde. Son gallinacé a été sélectionné pour orner à compter du 20 juillet «le 4e piédestal» de l'esplanade touristique londonienne. Ce 4e socle, conçu pour recevoir une statue équestre, est resté vide pendant 150 ans. Depuis 1998, il accueille à tour de rôle l'oeuvre d'artistes contemporains, le plus souvent controversés. La création de Katharina Fritsch a les faveurs de la municipalité, qui a paru balayer les critiques en mettant en avant «l'intérêt du public».

Un symbole du chauvinisme ou une oeuvre d'art ?

Au nombre des opposants figure la Thorney Island Society, association de défense du patrimoine, reconnue d'intérêt public. Dans une lettre aux élus municipaux, elle a jugé le projet «parfaitement inapproprié», réfutant l'argument de Mme Fritsch selon lequel «le coq est un symbole du renouveau, du réveil et de la force». L'association y voit surtout un symbole du chauvinisme gaulois, d'autant plus malvenu que Trafalgar square est avant tout célèbre pour sa statue de l'amiral Nelson, juchée sur une colonne. Le héros national est universellement connu pour sa victoire sur la flotte napoléonienne à la bataille de Trafalgar, le 21 octobre 1805. La presse britannique est divisée sur le sujet, la chroniqueuse Culture du Guardian, Charlotte Higgins, défend cet oiseau «gros, bleu, drôle, bizarre et surréaliste» qui «va remonter le moral des Londoniens». Le London Evening Standard cite un membre du conseil municipal de Westminster dubitatif : « Je me demande comment Nelson aurait réagi à son retour de la bataille en voyant cet emblème français fièrement planté dans le centre de Londres» [NDLR : Faudrait déjà qu'il en soit revenu vivant!]. Enfin, la BBC explique que la place Leicester Square ou St James's Park seraient plus appropriés. (...)

Lire la suite sur : Le Parisien.fr